Copé-Fillon : Le peuple de droite ne pardonnera pas en 2016

Publié le 26 novembre 2012 par Delits

Tout a été dit, écrit et continuera de l’être sur le capharnaüm de l’UMP. Depuis une semaine les images tournent en boucle, les invectives fusent, les menaces pleuvent et la rue de Vaugirard a tristement supplanté Gaza et Bruxelles en ouverture de tous nos JT. La surenchère à laquelle se livre Jean-François Copé et François Fillon franchit chaque jour un échelon, modifiant mécaniquement la nature des analystes appelés à s’exprimer ; hier sondeurs et politologues, aujourd’hui huisiers, demain avocats et juristes. Après 6 jours d’un duel qui se joue par médias interposés, Alain Juppé devait endosser hier le rôle de médiateur, trop conscient du mal qui est déjà en train de ronger sa famille politique. Alors que cette solution a été vivement encouragée par l’opinion et plus particulièrement par les sympathisants de l’UMP (84%), elle a échouée.

Pour comprendre pourquoi la situation a pu s’envenimer aussi vite Délits d’Opinion a fait le point sur la réalité de l’opposition politique entre Copé et Fillon; entre faux schisme idéologico-politique et vraie querelle d’égo. Prenant en otage une famille politique toute entière, trainant dans la boues valeurs, combats et engagements, les deux leaders ont fait la démonstration qu’ils n’étaient pas de grands hommes d’Etat mais de petits hommes politiques aux yeux de l’opinion.

Copé-Fillon : guerre de succession et quête de légitimité

Il est important d’avoir en tête quelques éléments forts qui permettent d’apprécier la situation de ces deux hommes vis-à-vis du parti. En 2005, Fillon, est écarté du gouvernement, payant du même coup sa fidélité à Sarkozy. Pendant deux ans il travaillera à la mise en ordre de la solide UMP qui permettra le triomphe sarkozyste de 2007. Pour Copé, la préparation à 2007 se passe notamment au ministère du Budget, loin de la rue de la Boétie. La période 2007-2012 verra progressivement les deux challengers poser leurs marques, l’un pour se démarquer du Président dont il est le « premier collaborateur », l’autre pour exister en tant que président du groupe UMP à l’Assemblée nationale puis Président du Parti.

La défaite de Nicolas Sarkozy a laissé un vide à droite. Les nombreuses enquêtes d’opinion indiquant la volonté des Français de le voir revenir ou considérant qu’il ferait mieux que Hollande ont été là pour le rappeler. C’est pourquoi, très tôt, les généraux se sont mobilisés avant que finalement deux finalistes n’émergent. Pour Copé, qui avait tenu la maison UMP depuis tant d’années, il était temps de reprendre le flambeau sarkozyste en adoptant son style fougeux, ses prises de parole dures, la ligne inspirée par Patrick Buisson, convaincu que l’analyse électorale était la bonne en 2012 et que c’est elle qui fera à nouveau gagner la droite demain. De l’autre côté Fillon, tout Premier Ministre qu’il est s’estimait sans doute au-dessus de cela et c’est avant tout pour occuper l’espace qu’il s’est rangé à l’idée d’une candidature. Peu en vogue à Paris selon les sondages, l’UMP pouvait lui servir de bastion pendant trois ans avant une primaire ouverte à droite en 2016. Moins dur en apparence, il a cependant été contraint à des redressements en cours de campagne afin de donner les gages nécessaires à son électorat conservateur.

En somme, après un quinquennat  moqué comme celui de Napoléon, Copé incarne le bonapartisme de Napoléon 1er tandis que Fillon est en ligne avec le bonapartisme de Napoléon III. Cette analyse démontre ainsi la fin du triptyque de René Rémond : les légitimistes ont disparu, les orléanistes sont majoritairement à l’UDI et les bonapartistes se divisent. Les résultats de dimanche dernier ancrent Fillon dans le Grand Ouest, en Savoie, au Sud du Massif central, terres historiques de la droite française. A l’inverse, Copé perce sur l’arc méditerranéen et dans des bastions de gauche. Pourtant, en y regardant de près, les deux programmes proposés n’étaient pas très différents, tout comme leurs équipes clairement « panachées » sur le plan politique.

Le temps de la responsabilité et de l’alternance

Dans cette histoire les observateurs insistent beaucoup sur les longues queues, sur la mauvaise organisation des votes mais aussi sur le pessimisme qui se répand dans toutes les fédérations UMP à mesure que l’affaire prend de l’ampleur. En effet, partout en France, les militants déplorent l’attitude de leurs leaders. Les quelques 132 000 militants qui se sont exprimés et les dizaines de milliers qui se sont mobilisés pendant la campagne présidentielle et celle des primaires ne devraient pas quitter le navire. Ceux là savent ce qu’est la politique, le combat et surtout les coups bas.

Non, le risque le plus fort il est au-delà du parti dans la perspective de 2016 et de la vraie primaire qui comptera, celle pour désigner le candidat qui se présentera affubler de la bannière UMP. En effet, 2012 a démontré que désormais la primaire ne pourrait se faire sans une sollicitation de tous les Français. Dans ce contexte, comment peut-on imaginer, même dans trois ans que Jean-François Copé et François Fillon puissent être soutenus par ces Français, non engagés pour l’UMP mais sympathisants de droite ?

La politique est une lutte avec ses règles. Cependant, depuis une semaine, deux hommes semblent avoir oublié qu’elle est avant tout là pour améliorer la société. Pendant que l’UMP dépassait chaque jour un cran sur l’échelle du ridicule, le conflit au Proche-Orient se poursuivait, la France perdait son Triple A et la question du mariage gay semblait s’embourber. Il est venu le temps des responsabilités pour nos deux leaders. Que vaudra une victoire, même dans 10 jours obtenue sur le bureau d’un juge ?

La jeune génération doit utiliser ce moment de fragilité pour émerger. Ils sont nombreux les NKM, Bertrand ou Lemaire à ne pas avoir pris part directement à cette mascarade. Chance leur est donnée de démontrer que la sagesse n’attend pas le nombre des années.