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(Avant de commencer cette chronique, il me semble nécessaire de préciser deux, trois petits trucs. L’avis que vous allez lire ici n’est pas celui d’un paysan moyennâgeux venu chier sur le rap parce que « c’est trop violent, misogyne, pas musical », ni celui d’un connard de puriste trop pd qui va dire « ouais Booba depuis Temps Mort, j’écoute plus, c’est un vendu ». NON. Je fais parti des gens fan du bonhomme et qui préfère Ouest Side à Temps Mort d’ailleurs.
N’empêche, à partir de là, ça va être assez violent.)
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Tout le monde le sait, Booba dépasse désormais le cadre du seul rap et chaque sortie est désormais un événement national. Artiste le plus téléchargé légalement du pays, le phénomène B20 ne cesse de prendre de l’ampleur et même si on ne sait plus trop ce qui motive le bonhomme ou que l’on est pas en phase avec une partie de son public, ce succès fait forcément plaisir à tout ceux qui veulent du bien au rap.
Et ce qui est bien avec lui, c’est qu’un retour n’est jamais raté. Le psychodrame l’opposant à Rohff a fait la une de tous les réseaux sociaux. On sait donc que le rappeur TDSI est encore en vie, même si on s’en fout, entre nous hein.
Bref, passons. L’essentiel est bien sûr ailleurs: le nouvel album du météore.
Première chose, l’aspect promotionnel a été parfaitement mené. Ce qui est rare dans le rap céfran, soyons francs. Un morceau toutes les trois semaines pour patienter, des clips, des annonces. Du travail de pro. Sur l’aspect qualitatif, par contre, c’est un tout autre sujet.
Les singles ne sont pas exceptionnels, c’est un fait. Wesh Morray a surtout fait parler par le contenu (coucou Willy Denzey), Caramel a fait son petit bonhomme de chemin sans retourner la Terre et les sons avec Rick Ross et 2Chainz laissent complètement indifférent (un peu moins C’est la Vie, plutôt pas mal). Mais c’est Booba merde, on se dit que le meilleur reste à venir!
Et là, c’est le drame.
Le mec s’auto-parodie, ça va trop loin. Alors il n’a jamais été Baudelaire, c’est sûr, mais ce qu’on lui demandait, c’était de nous ravir avec des punchlines bien senties qui nous faisaient marrer au moins. Sauf que là, il n’y a plus de phrases, plus de syntaxes, le type parle en morse. C’est une succession de mots, sans aucun sens, du name-dropping pur et simple qui ferait pâlir Jay-Z, pourtant pas le dernier dans cet exercice. Allez pour le plaisir: « All-In! Carré d’As! Pirate armé d’un bolide! Marée Basse! », « PSG! Miami Heat! », « 23, Chicago Bulls, testo de taureau, Derrick Rose! ». WHAT THE FUCK ?! On atteint des sommets d’autisme par moment où l’on est vraiment pris pour des cons, c’est limite gênant.
Et puis on parle du passage culturel grandiose ou pas ? « Regarde moi de haut en bas, à tes risques. J’suis tombé dedans quand j’étais ti-pe, Astérix! ». EPIC FAIL MON GARS SUR!
Donc rien côté lyrics, le néant absolu. Pas une ligne à retenir. Pire, on sent la grosse panne d’inspiration. Combien de fois la chatte à quelqu’un est inclue dans une fin de phase quand il n’y a rien à dire ? Moche.
Pas de fond, soit. Les cainris marchent comme ça depuis toujours ceci dit et personne ne dit rien, tant que la forme est là. Et justement, forme il n’y a pas non plus.
L’autre gros souci du disque, c’est que le côté artistique est totalement planté. On connait les influences de Booba (2Chainz, Rick Ross, Future), sauf qu’il rate son « hommage/pompage » dans les grandes largeurs. Il ne sait pas chanter, la langue française ne colle pas au style, les instrus de Therapy ne sont pas toutes au niveau (ou disons se ressemblent parfois trop). Il y a des casseroles à ne plus savoir quoi à en faire avec notamment le plus mauvais morceau de l’histoire du rap français, le dénommé Tombé pour Elle. Pire que Scarface, pire que le titre du même nom de Pascal Obispo, pire que Patrick Bruel feat La Fouine. Pire que tout.
On peut aussi parler de Jimmy (qui écoute encore du reggae en 2012 ?), Tout c’que j’ai (pourtant produit par Hit-Boy!), Rolex ou O.G sur lequel Mala mérite un cancer des cordes vocales. Cinq mauvais titres + quelques moyens, c’est beaucoup trop sur un seul album.
Alors évidemment, le mec n’est pas totalement sénile et sait encore livrer quelques ogives bien senties. En tête Maki Sall Music, Kalash (grosse mention pour Kaaris, le seul rappeur de son entourage qui mérite toute notre attention) et Maitre Yoda. Productions épiques sur lesquelles Booba excelle comme personne, refrains pas trop mauvais- autre gros point noir du skeud tiens- et on retrouve tout ce qu’on aime chez le Duc. Mais c’est tellement trop peu pour rattraper la déception générale…
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Booba – Maitre Yoda
Booba – Kalash (feat. Kaaris)
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La tristesse absolue, c’est que c’était prévisible depuis quelques temps déjà. 0.9 et Lunatic n’étaient pas des chefs-d’oeuvres non plus alors que tout le monde criait au génie. Le problème c’est qu’il n’a aucune concurrence dans l’Hexagone, personne pour contester son trône de rappeur n°1. Forcément un album moyen de Booba est meilleur que n’importe quel autre disque ou presque, ça ne le pousse pas dans ses retranchements. C’est à se demander si le génial Ouest Side n’était pas une erreur bienvenue avec ce tournant US parfaitement maitrisé. On voit qu’aujourd’hui il essaie toujours d’être à la mode d’outre-atlantique sauf qu’elle ne passe plus vraiment. On l’a déjà dit un million de fois mais on le répète, le vrai truc qui serait intéressant désormais, c’est que B20 rappe en anglais. Parce qu’on voit pas vraiment ce qu’il peut faire de plus qu’il n’a pas déjà fait dans ses trois derniers albums qui ont fini par le faire tourner en rond. A part s’enfoncer toujours un peu plus dans la médiocrité.
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