Quelques extraits de la dernière partie du livre Monologue de Ludovic Degrotte, « Monologue de Ludo ». On peut lire ici une note de lecture et ici un journal de la lecture de ce livre.
chacun nous vivons avec des polyphonies intérieures auxquelles nous n’accédons
pas toujours, comme si nous demeurions seulement à l’écoute de nous-mêmes au
lieu de nous ouvrir aux paroles qui nous traversent et que nous ignorons le
plus souvent
car il nous est difficile d’ôter le masque où nous vivons, à cause des peurs
qui brûlent notre visage et de l’impossibilité que ce serait de vivre tels que
nous sommes, dans une chair à vif hideuse et brutale
peut-être ne meurt-on pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou les
uns à la place des autres, puisque dès qu’elles tombent des voix tombent en
nous
•
j’ignore ce qu’on peut s’approprier de ce qui a disparu ou gravite autour de la
disparition, c’est comme s’il s’agissait de parler avec une autre langue alors
qu’on essaie seulement d’atteindre la sienne, dont on a parfois l’impression qu’elle
est si bien immergée qu’elle devient inatteignable, alors que ce qui est
inatteignable c’est ce qu’on doit dire, qui ne peut se dire qu’à travers une
forme immergée dont nous ne voyons pas les reliefs, parce que la disparition
nous heurte aux poncifs.
•
car nous reprenons dans nos mémoires le
cours de nos vies, parfois des années après, sans que nous puissions nous y
attendre, d’une façon si naturelle qu’il semble que nous ayons arrêté
l’intimité d’un geste ou d’une conversation et que le temps ne soit ni brisé ni
même suspendu, mais qu’il ait glissé sous un autre temps qui en aurait été en
quelque sorte la matière ou la caution, de sorte que ce temps en réapparaissant
continue au lieu de rompre et nous continue au lieu de nous rompre dans notre
geste et dans notre conversation
et même lorsque nous cherchons à être nous-mêmes, et que nous croyons l’être,
ou l’être devenus, au bas de la pente que nous fabriquons en la gravissant, ce
que nous reprenons n’est jamais séparé de ces moments où nous prenions appui
sur les autres pour croire nous en détacher, nous emmenons nos paquets de
fantômes, et nos paquets pèsent lourd
Ludovic Degroote, Monologue, Champ
Vallon, 2012, pp 71 & 72, 86, 87 & 88
Ludovic Degroote dans Poezibao :
bio-bibliographie,
prix
des découvreurs de poésie, extrait
1, extrait
2, wimereux (parution), Un petit viol (par Ariane Dreyfus), ext.
3, Le Début des pieds (par A. Emaz), Eugène Leroy, auportrait noir (F.
Trocmé), ext.
4, feuilleton, lLa Digue (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,13,
14
avec pdf), "La
Digue", par Antoine Emaz, "Le
début des pieds" (par Georges Guillain)