[anthologie permanente] Ludovic Degroote

Par Florence Trocmé

Quelques extraits de la dernière partie du livre Monologue de Ludovic Degrotte, « Monologue de Ludo ». On peut lire ici une note de lecture et ici un journal de la lecture de ce livre.  

 
chacun nous vivons avec des polyphonies intérieures auxquelles nous n’accédons pas toujours, comme si nous demeurions seulement à l’écoute de nous-mêmes au lieu de nous ouvrir aux paroles qui nous traversent et que nous ignorons le plus souvent 
car il nous est difficile d’ôter le masque où nous vivons, à cause des peurs qui brûlent notre visage et de l’impossibilité que ce serait de vivre tels que nous sommes, dans une chair à vif hideuse et brutale 
peut-être ne meurt-on pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou les uns à la place des autres, puisque dès qu’elles tombent des voix tombent en nous 
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j’ignore ce qu’on peut s’approprier de ce qui a disparu ou gravite autour de la disparition, c’est comme s’il s’agissait de parler avec une autre langue alors qu’on essaie seulement d’atteindre la sienne, dont on a parfois l’impression qu’elle est si bien immergée qu’elle devient inatteignable, alors que ce qui est inatteignable c’est ce qu’on doit dire, qui ne peut se dire qu’à travers une forme immergée dont nous ne voyons pas les reliefs, parce que la disparition nous heurte aux poncifs.  
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car nous reprenons dans nos mémoires le cours de nos vies, parfois des années après, sans que nous puissions nous y attendre, d’une façon si naturelle qu’il semble que nous ayons arrêté l’intimité d’un geste ou d’une conversation et que le temps ne soit ni brisé ni même suspendu, mais qu’il ait glissé sous un autre temps qui en aurait été en quelque sorte la matière ou la caution, de sorte que ce temps en réapparaissant continue au lieu de rompre et nous continue au lieu de nous rompre dans notre geste et dans notre conversation  
et même lorsque nous cherchons à être nous-mêmes, et que nous croyons l’être, ou l’être devenus, au bas de la pente que nous fabriquons en la gravissant, ce que nous reprenons n’est jamais séparé de ces moments où nous prenions appui sur les autres pour croire nous en détacher, nous emmenons nos paquets de fantômes, et nos paquets pèsent lourd 
Ludovic Degroote, Monologue, Champ Vallon, 2012, pp 71 & 72, 86, 87 & 88 
Ludovic Degroote dans Poezibao :  
bio-bibliographie, prix des découvreurs de poésie, extrait 1, extrait 2, wimereux (parution), Un petit viol (par Ariane Dreyfus), ext. 3, Le Début des pieds (par A. Emaz), Eugène Leroy, auportrait noir (F. Trocmé), ext. 4, feuilleton, lLa Digue (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,13, 14 avec pdf), "La Digue", par Antoine Emaz, "Le début des pieds" (par Georges Guillain)