Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas bien compris, paroles et pensées religieuses me laissent parfaitement hermétique. Personne ne doit y voir un quelconque mépris de ma part, mais bien plus l’idée que dans Etat laïc comme le nôtre, celles-ci doivent être reléguées à la seule sphère privée sans disposer d’une influence sur la conduite des politiques publiques.
Cette rigueur toute républicaine à laquelle je suis profondément attachée, n’empêche pas d’entendre les propos du leader spirituel de l’Eglise Catholique lorsque ce dernier évoque le rôle dévolu à une prison utile et juste qui ouvre, partout à travers le monde, la voie de la réhabilitation et de la réinsertion sociale des détenus.
C’est en substance le discours tenu par le Pape Benoit XVI devant les participants de la XVIIème Conférence des Directeurs d’Administration Pénitentiaire (CDAP) du Conseil de l’Europe reçus en audience privée au Vatican, et qui se réunissaient à Rome du 22 au 24 novembre 2012.
Lors de cet entretien, le Souverain Pontife a dressé le constat suivant : "Dans une période où la criminalité est accrue par l’élargissement du fossé socio-économique et l’augmentation de l’individualisme. Or la tendance est de réduire le débat au niveau législatif, de l’identification des délits à la phase de jugement... On prête une moindre attention aux modalités d’exécution des peines carcérales, alors que la notion de justice doit absolument être complétée par le respect de la dignité et des droits de la personne“.
Il a poursuivi par : “Quoiqu’indispensable, ce paramètre est malheureusement encore loin d’être acquis dans nombre de pays. On ne saurait d’ailleurs le considérer comme suffisant pour garantir intégralement les droits individuels. Au delà des déclarations de principe, il faut s’engager à rééduquer effectivement le détenu, envers la société comme à ses yeux".
Benoit XVI a souligné par ailleurs que : “Pour rendre justice, il ne suffit pas que le coupable soit puni. La peine infligée doit permettre de tout entreprendre afin de corriger et améliorer la personne punie. On doit donc tout faire pour éviter que la prison ne se transforme en une peine qui accentue la tendance à la délinquance et la dangerosité du sujet".
Ayant donné à de multiples reprises, ici même, quelques appréciations personnelles sur le rôle et la mission de la prison, je suis contraint de me reconnaitre pleinement dans l’analyse qui en est faite par le Pape et de souligner la lucidité de celle-ci. Si Benoit XVI l’a présenté d’une manière globale sans la diriger vers un pays en particulier, au vu des multiples remontrances adressées à la France par la Commission des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, nous sommes nombreux a estimer que ce constat s’adapte parfaitement à la situation vécue par les personnes détenues dans notre pays.
Ainsi lorsqu’est évoquée la tendance à réduire le débat au niveau législatif en omettant les modalités d’exécution, on se surprend à mettre en parallèle l’avalanche législative que nous avons connue tout au long du quinquennat de Nicolas Sarkozy, où la multiplication des Lois pénitentiaire, restrictives, de lutte contre la délinquance ou contre la récidive, ont conduit inexorablement à un véritable blocage de notre appareil judiciaire, à l’engorgement de nos tribunaux et à une surpopulation catastrophique de nos prisons.
Dans le même temps, il n’est pas inutile de souligner une nouvelle fois les conséquences directes qu’elles impliquent sur les conditions de détention et leur résultante : une grave atteinte à la dignité humaine et aux droits individuels. Une prison où les détenus sont isolés, mal encadrés, mal suivis médicalement et psychologiquement, abandonnés à l’oisiveté et condamnés à une indéniable précarité, ne remplit en aucun cas son devoir de rééducation des individus en prévision d’une réintégration sociale facilitée.
En plus de devoir régler la douloureuse question de nos prisons insalubres et de leur capacité d’accueil, les Gouvernements successifs ont du faire face à une inquiétante inflation des phénomènes de la récidive et du défaut de suivi judiciaire. La prison oui, mais après ? Puisqu’il est désormais acquis qu’un passage plus ou moins long en prison ne rend pas les individus meilleurs mais, bien au contraire, les renforce souvent dans la marginalité et la violence, il est nécessaire de repenser le « chemin de croix » du détenu de sa mise sous écrou à son retour au sein de la société.
La prison utile prônée par Benoit XVI n’est donc pas si éloignée de celle défendue par les associations soucieuses de son exemplarité. En la matière, la clairvoyance du Chef de l’Eglise Catholique ne doit pas être écartée et, force est de constater, qu’à de rares exceptions notables, son message est beaucoup plus audible que celui de nos Parlementaires à qui il appartient pourtant de légiférer en la matière !
A la manière de Guy Bedos : « Si le dégoût du monde conférait à lui seul la sainteté, je ne vois pas comment je pourrais éviter la canonisation. »