Y a des fois, comme ça, tu n’attends plus grand-chose et, vlan, voilà le cadeau qui te fait la vie. La vie, en l’occurrence, a les jolis atours du magazine en ligne consacré aux musiques électroniques The Drone. Grâce à eux, j’ai eu la possibilité d’aller voir un de mes chouchous : Beak> pour l’une des deux dates françaises dont l’autre groupe de Geoff Barrow nous gratifie. Je suis joie. Visiblement, Beak> est aussi rare sur scène que Portishead. Et puis, il y a une première partie, Lumerians, que je ne connais pas du tout. Rendez-vous donc en ce dimanche 25 novembre au soir, au Carré Bellefeuille à Boulogne-Billancourt, pour la soirée de clôture du BBMix festival.
La salle boulonnaise nous réserve un son de très bonne qualité propice au déploiement des expérimentations sonores psyché du gang issue de la baie de San Francisco. Etonnamment sobre dans l’attitude, le groupe a troqué ses toges pour les frusques quotidiennes du geek ou du doctorant en mathématiques. Bref, ils avancent sans masque mais tout son en avant. Synthés vintage, effets virevoltants, boucles hypnotiques, batterie tellurique. La basse et les toms donnent le ton, autour duquel tout le reste s’articule. A priori, ce devrait être une plongée en droite ligne dans les seventies avec LSD en option fortement recommandée. Mais que nenni ! Tout cela est résolument moderne et me happe dans un maelstrom de sensations brutes.
Y a du lourd vraiment avec Lumerians, quatuor d’Oakland, qui enregistre son premier long format en 2011 dans une église reconvertie en distillerie/studio d’enregistrement. Les sonorités sont acides à souhait. Les hippies peuvent – heureusement – passer leur chemin. Les envolées se déroulent, toutes en longueur. Se laisser emporter. S’oublier. Songer à Arthaud, évidemment, et ses Tarahumaras. Comprendre, grâce à la sobriété, que la musique constitue la meilleure, la plus forte, la plus addictive des drogues. Et c’est déjà la fin.
Le temps d’une mise en place, voici les trois comparses de Beak> sur scène. Aucun ordinateur, tout est analogique et, rapidement, l’auditeur que je suis se rend compte que le son possède ce grain particulier propre aux instruments privés d’électronique.
D’entrée, le couple basse-batterie donne le ton. La rythmique ondulatoire, ronde, déploie le groove sur lequel vont pouvoir se greffer effets sonores, boucles créées aux claviers, riffs sauvage de guitare défoncée. Pour la défonce, Matt Williams, le benjamin du groupe, semble bien donner l’exemple, qui évolue dans un état second, entre deux gorgées de bière et quelques mots de français ânonnés lors de ses rares interactions avec le public. Billy Fuller joue de la basse assis, construisant l’essence du son Beak> avec un Geoff Barrow métronome caché derrière ses fûts. Il les quittera une fois pour s’emparer des synthés, démontrant que les trois potes maîtrisent parfaitement tous les instruments.
Amplement, le krautrock du trio de Bristol, puisqu’il faut bien catégoriser, s’empare de la salle pratiquement pleine. Autant les rythmes essentiellement lents et lourds, certes puisés dans les tréfonds de l’Europe du nord industrielle, sonnent pourtant chauds, autant les nappes de claviers résonnent d’une froideur plus en phase avec ce que l’on imagine du cœur de l’Albion, de ses mines, de ses usines fermées, de ses quartiers de briques sales. Le contraste entre les deux parties de la musique est encore plus saisissant sur scène que sur album. La musique du malaise se voit entretenue par des voix, dopées à la reverb, mais bien en mal de s’imposer dans le climat musical qui prédomine.
Les accords de guitare acides viennent strier l’épais climat déployé entre beats percutants et claviers narcotiques. Ils scandent la violence de ce début de siècle. Ils s’oublient parfois dans une quête de bruit blanc, ce mythe sonore devenu réalité enfin par la grâce d’un groupe proprement habité. C’est à me couper le souffle et, pourtant, je suis plutôt amateur des ambiances bruitistes. Quand Matt Williams troque son mediator pour une baguette de batterie, les cordes souffrent mais l’ambiance s’écoute rehaussée de ce larsen tout sauf aléatoire.
Au fil de ce set compact, Beak> présente, il faut bien en parler, pas mal de son deuxième album mais aussi ses titres phares, dont le chamanique Wulfstan, Blagdon Lake plus séminal que jamais, l’errance sonore Battery Point… La performance de la bande à Geoff revêt toutes les apparences d’un concert essentiel. Las, il est vraiment trop court. Et puis, je ne sais pas si c’est le public de Boulogne ou le fait qu’on soit assis nous aussi, mais l’assistance est en carton. Je rêve de voir Beak> genre au Trabendo pour vérifier l’effet que peut faire leur musique sur des vrais gens !
Retrouvez Lumerians sur leur site Internet.
Le Tumblr de Beak> est ">">">">">visible ici.
On retrouve Beak> sur en ligne"> en ligne"> en ligne"> en ligne"> en ligne">bandcamp aussi.
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Bonus vidéo : Beak> « Spinning Top (live @ BBMix festival) »