Les deux candidats malheureux à la présidence de l’UMP nous font bien de la peine en ce moment. Mais à qui profite la crise ?
Par Eric Essono Tsimi.
Les deux candidats malheureux à la présidence de l'UMP nous font bien de la peine en ce moment. Ils n’ont pas inventé le fil(lon) à coper le beurre pourrait-on dire. Après une succession soutenue d’échecs électoraux, patatras c’est le clash, le crash, le krach ! Les couteaux sont en train de sortir dans la plus grande formation (pour le moment) de l’opposition française, chaque camp affûte ses armes.A force de remontées acides,la TeamFillon a fini par dénicher la petite bête noire, à expectorer toute la bile contenue dans le ventre de l'UMP. Les Fillonistes ont choisi de rebondir sur des « voix » qu’ils disent eux-mêmes « oubliées ». Franchement, il faut leur dire deux choses qu’ils comprendront aisément, parce que même si elles sont suggérées par un Africain, il s’agit d’adages latins.
Le premier dit que « nemo auditur propriam turpidinem suans allegans » (nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude) : à qui est imputable la faute d’oubli, qui défavorise également Copé et Fillon ? Si Fillon a pu oublier de prendre en compte les voix de ses électeurs, c’est qu’il n’en est pas simplement digne. Les irrégularités et autres dysfonctionnements ne sont pas moins graves que les oublis.
Le deuxième énonce que « error communis facit jus » (l’erreur commune fait le droit). A priori, c’est de bonne foi que tous les protagonistes se sont trompés, sauf à démontrer qu’il y a bien eu des manœuvres de la part des Copéistes, tendant à dissimuler une partie des résultats. La révélation tardive que monsieur Fillon a de l’existence de fédérations en Outre-mer montre tout simplement qu’il n’est pas digne des voix qui lui ont été données. Et c’est à juste raison qu’il renonce à la présidence, mais il aurait été plus sain de renoncer à jeter le trouble dans l’esprit des militants.
Y’a-t-il eu détournement de voix ?
L’on argue de la survenance d’un « fait nouveau » pour motiver cette nouvelle charge contre l’appareil du parti. Le fait nouveau entraîne forcément une situation nouvelle et ne peut pas être examiné comme s’il n’emportait aucune conséquence. Le « fait nouveau » rend actuelles toutes les revendications qui avaient été tues dans ce qu’on avait cru être une paix des braves.
C’est que François Fillon sait à quel point la popularité en politique française est chose volatile. Il redoute le syndrome de Ségolène, car un échec comme celui de la présidence de l'UMP peut en annoncer une autre. Il ne veut pas se résoudre à n’être qu’un « lieutenant ». Et pour justifier l’option qu’il envisage probablement de choisir une autre voie, il se créé toutes les raisons qui pourront la justifier aux yeux de l’opinion.
François Fillon continue à se bercer d’illusions quant à l’opinion publique, les sondages qui lui sont avantageux l’aveuglent. Son équation est très complexe et suicidaire, parce qu’il ne saurait devenir le leader d’une formation pérenne, si celle-ci est née à la suite d’une scission. Cela ferait mauvais genre et les résultats sur sa cote de popularité s’en ressentiront progressivement. D’ailleurs l’UDI a anticipé sur la place qu’il pourrait créer à droite, et c’est plutôt vers Borloo que se reporteront nombre de ses soutiens.
En recourant aux statuts d’abord et aux tribunaux administratifs par la suite, il sait qu’à la fin Copé sera à nouveau vainqueur. Va-t-il prendre ce risque ? Attendons de voir ce qu’il va nous sortir du chapeau.
La fracture n’est pas politique, elle est humaine ; elle n’est pas morale, elle est éthique
L’on n’a d’abord prétendu qu’il ne s’agissait que d’un « devoir de vérité » ensuite c’est la remise en cause de l’autorité de fait et de droit du nouveau président qui a été engagée, démontrant qu’il s’agit moins d’amour de la vérité que de détestation d’un homme, François Copé.
Toutes les réconciliations après seront fausses. Toute médiation est vouée à l’échec. Toute création d’une formation politique nouvelle se fera sans gloire. Gloire n’ira pas aux vaincus, la morale est celle des vainqueurs. François Copé est le petit président d’une grande formation, et Fillon qui n’entend plus rien partager avec Copé qu’un prénom en faisant s’enliser cette crise se disqualifie comme un rassembleur de la droite.
Pourquoi penser à Juppé comme d’un recours transitoire alors que le concerné est en pleine possession de ses moyens physiques, civiques, intellectuels et moraux et peut lui-même prétendre à une présidence de plein exercice ? S’il est « incontestable » autant lui remettre carrément les clés du parti de manière définitive. Pourquoi ne pas dans le même mouvement rappeler Nicolas Sarkozy qui clive peut-être la France, mais sait rassembler la droite ?
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