La nouvelle est tombée en début de semaine surprenant tout le monde : Les Assises sont reportées à une date ultérieure. Les raisons, rien de vraiment officiel , puisqu’à ce jour, aucun communiqué et rien non plus sur le site du Ministère du Tourisme toujours aussi statique à l’ère du web 2.0. Cela sème le doute dans les esprits d’autant plus que la dernière sortie médiatique du Ministre semblait indiquer enfin, une mise en œuvre de la vision 2020.
On en arrive à ce poser des questions sur la crédibilité du secteur qui n’en finit pas de subir les contrecoups de toutes sortes de crises internes et externes. Il règne une telle cacophonie, voire une incompréhension totale, entre ce qui est déclaré et le vécu sur le terrain, à croire qu’il y a deux destinations Maroc, celle où tout va bien, avec des enseignes internationales au taux de remplissage frisant les 70%, des prestations de qualité, des taux de retour réconfortants et l’autre où les hôteliers croulent sous les dettes et se font violence pour ne pas débaucher, les agences de voyages qui rament à contre courant, les guides qui se lamentent, les transporteurs qui se meurent et les restaurateurs qui ont fini de manger leur pain blanc.
Est à dire que tous ces gens sont des mauvais élèves qui n’ont pas su se remettre en question et qui payent aujourd’hui leur manque d’anticipation? La réponse est non, pour la bonne raison que tous se sont préparés sur la base d’études fiables livrées par des cabinets prestigieux commandités par la tutelle et qui prédisaient une bonne croissance, sous réserve d’une capacité d’hébergement suffisante pour attirer les touristes en masse. Ces études n’ont pas prévues les crises financières et économiques, le risque de l’open Sky et le prédominance de la vente par internet.
Quand à dire que nous manquons de flair et de sens d’entrepreneuriat, c’est un peu facile, car si les Turcs, les Egyptiens et même les Tunisiens se sont aventuré à créer des TO dans les pays émetteurs, ils ont été aidés en ayant des facilités requises pour s’implanter . Des marocains se sont également essayé à cet exercice, 1000 Tours dans les années 80, Royal Tours récemment, AB Tours encore en Belgique, sans compter les chaines hôtelières qui ont ouvert des centrales de réservations , Salam, PLM avec le résultat que l’on connait.
Il n’était pas conseillé de faire de la concurrence aux TO, sous peine de les perdre définitivement, alors les marocains ont noué des partenariats avec les TO dans l’objectif de les consolider.C’est le cas des grandes agences marocaines que tout le monde connait et qui aujourd’hui souffrent au même titre que leurs partenaires étrangers.
C’est vrai que nous avons un véritable déficit en matière de commercialisation surtout en ce qui concerne le web, les rares professionnels qui se sont lancé dans la vente par internet, sont aujourd’hui concurrencé par des sites qui vendent de tout y compris de l’hébergement hôtelier sans être soumis aux contraintes des agences de voyages en matière de sécurité, d’assurance ou de fiscalité.
Quand aux grands sites de voyages internationaux, ils bénéficient des largesses de l’ONMT qui leur ouvre grand les portails nationaux et jusqu’au site Kounouz Biladi empêchant ainsi les nationaux de s’exprimer et de s’affirmer.
Or, qui crée des emplois et qui paye des impôts?
Lorsqu’un marocain réserve ses vacances au Maroc à travers ce type de site, 20 à 25% de la prestation est ristournée en devise par l’hébergeur ayant bénéficié de ses services. Sur cette commission, le site paye 0 dirham de TVA, 0 dirham d’IS, 0 dirham IGR et ne crée aucun emploi au Maroc.En matière de préférence nationale, il y lieu de revoir sa copie. Un peu comme si on délocalisait la distribution sauf qu’en compétitivité on aura tout faux.
La même prestation vendue par une agence marocaine sera au moins 10% moins chère, donc avec une marge de 10 à 15%, sur laquelle elle payera 20% de TVA , rémunèrera des salariés marocains, payera la CNSS, l’IGR et l’IS. Bref une participation à l’économie nationale et une préservation des emplois.
Mais apparemment, nous sommes des mauvais perdants, petits bras condamnés à disparaitre au profit d’une grande distribution qui elle sera mieux structurée pour commercialiser le produit Biladi.
En parlant du plan Biladi, quel intérêt à ouvrir une station Biladi à 30 km de Marrakech avec 3500 lits pour les CPS C, D et E à Horizon 2017? Pour démocratiser le voyage nous répond on. En effet avec de l’hébergement à bon marché on peut attirer des touristes nationaux, ils ne verront pas Marrakech mais Tamslouht. Comment se déplaceront ils? En bus ou en train. Et ils seront bloqué à Tamslouht, n’ayant pas les moyens de se rendre chaque jour à Marrakech, profiter des parcs de jeux , des animations, de Jamâa El Fna, des souks , des monuments etc….Et que fera-t-on des 50% de capacité inoccupée à Marrakech dans des établissements de 1* à 3* voire 4* qui répondent aujourd’hui aux attentes des nationaux tant en prestations qu’en prix?
J’ai bien peur que ce ne soit un ghetto pour pauvres dont personne ne voudra, car même les pauvres aspirent à se sentir riches au moins pendant pendant les vacances et à voir autre chose que l’image qu’on veut leur renvoyer. Ils ont une dignité que nous devons respecter.
S’il est des régions où les stations Biladi s’imposent comme Ifrane ou Mehdia par exemple, Marrakech et Agadir ont de quoi satisfaire les nationaux puisqu’elles ont su adapter leurs produits en fonction de la demande nationale qui remplace de plus en plus une clientèle des TO en perte de vitesse. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est accompagner la dynamique en donnant du pouvoir d’achat aux nationaux ( Cheques vacances ) et de permettre un étalement des vacances par zones, pour éviter une surchauffe des prix en période de pointe.
Pour revenir aux Assises du tourisme, cet exercice avait pour but de faire le bilan des réalisations du secteur d’année en année. Des événements conjoncturels ont fait qu’elles ne se sont pas tenues depuis la signature du CPN 2020 le 30 Novembre 2010.
Quel bilan peut on donc faire sur ces deux années passées, avec une baisse des nuitées, des taux de remplissage à 41%, le chaos de Ouarzazate et Zagora, l’incertitude de Fez et Meknes, la fermeture de lignes par la RAM, la fin de JET4YOU, la chute des prix, le retrait des lowcost, le plan Azur au point mort et le taux de chômage qui menace. Peut-on vraiment parler de résilience comme on se plait à le répéter dans toutes les déclarations?
Profitons donc de ce report, pour mettre à plat tous les problèmes qui nous empêchent d’avancer. Donnons nous les moyens de nos ambitions et faisons nous confiance les uns et les autres pour sortir de l’ornière. Nous devons nous parler, nous critiquer si besoin est , cela ne peut être que salutaire.