On ne va pas jouer les surpris. Twitter est devenu depuis longtemps
une arme de destruction massive. La frappe en 140 caractères doit être
chirurgicale pour être efficace. Sur la fin du quinquennat précédent et
en particulier pendant la campagne, ce réseau de "socialité" accélérée a été utilisée à grande et efficace échelle.
Conjugué à d'autres caisses de résonance que sont les chaînes d'information, les news 2.0, les blogs politiques, autres pétitions Facebook, ou les alertes Scoop.it, Twitter est l'un de ces outils qui accélèrent le temps politique. Mais à la transparence et l'instantanéité inédites qui chamboulent ainsi, le débat politique, Twitter apporte aussi autre chose, la violence.
Nous sommes sans doute quelques centaines de milliers dans la sphère politique sur plus de 7 millions de Twittos en France. Militants, activistes, sympathisants ou simples citoyens, ça tweete et reteweete en masse.
Twitter de combat
Dans un combat politique (*), Twitter était l'outil idéal de nos salves.
Les Tweet-parties de la précédente campagne présidentielle en furent l'une des
illustrations ultimes. Il s'agissait (1) de faire du bruit organisé sur le
réseau, (2) de défaire l'argumentaire de l'adversaire ou (3) de défendre
celui du candidat à coup de liens vers des « preuves numériques »
dont le Web regorge.
Quand l'adversaire s'agite, Twitter est
toujours ce lieu de riposte. Pour preuve, la récente actualité du fiasco
électoral de l'UMP pour la désignation de son président depuis dimanche
dernier. Ou le Tweetgate de la fausse première dame. Les Twittos de tous bord adorent ces feuilletons
à rebondissements qui provoquent hilarité et imagination.
Twitter est un lieu de pressions. On peut regretter que des Web-entrepreneurs baptisés les Pigeons aient sauvé leur plus-values futures d'une trop forte solidarité
fiscale. On peut se féliciter que François Hollande ait entendu la
grogne fulgurante qui suivit sa déclaration relative à la liberté de
conscience.
Twitter n'est pas efficace pour toutes les causes. Les causes populaires sont mal relayées. Le biais sociologique est-il réel ? La rage des sidérurgistes de Florange, des ouvriers de PSA Aulnay, ou des employées de Doux ont créé peu de buzz. Les morts de SDF dans la rue ne suscitent que l'indifférence générale des Twittos. Twitter se focalise sur des personnalités publiques. Twitter a besoin de s'incarner, comme sur les seins de ces Femens brutalisés par quelques réacs en marge des manifs anti-mariage gay.
Twitter est un thermomètre de l'excitation politique du moment. Sans nécessaire organisation préalable, une humeur collective s'y manifeste. Il faut du moment fort ou une histoire imprévue mais chargée d'émotion.
Tweet-déchirements
Twitter est un lieu où le débat est risqué.
L'emballement auto-alimenté peut vous faire dériver vers des tweets trop graves ou
définitifs. Prenez l'affaire du mariage pour tous, et la
déclaration de François Hollande sur ces maires qui pourraient ne pas
célébrer le mariage. A la base, il n'y avait nulle annonce officielle
d'un quelconque infléchissement. Mais sur Twitter, le buzz fut immédiat.
Sur la base de ce couac, on a pu lire ce tweet de Frédéric Martel, journaliste et intellectuel dit engagé, animateur de radio
publique : « Si un maire n'aime pas les couples juifs, arabes, handicapés, il peut ne pas les marier par "liberté de conscience" ?
». Ou celui-ci d'Edwy Plenel, pourtant une référence de l'investigation réfléchie: «Hollande invente la liberté de conscience».
On regrettait que ces deux journalistes n'aient pris la peine décrocher leur téléphone pour vérifier si la décision était réelle.
Il
y a aussi ces propos concevables quand on est au combat, mais étranges et si
contreproductifs quand on cherche réellement à convaincre. Comme ceux que l'on
tiendrait lors d'une discussion trop arrosée entre proches. Quand les arguments
s'effacent au profit de la joute. Twitter devient le lieu de nos disputes familiales.
En
140 caractères, la formule qui claque fait mal. Il faut
prendre sur soi, chercher le zen pour éviter la surenchère, trouver la même condensation d'efficacité, mais sans la violence. En 140 caractères, l'argumentation est courte. Il faut marquer les esprits. L'expression doit
être à la hauteur de l'impression: forte, extrême, clivante. D'aucuns
pourraient dire que « l'on fait du Barbier », du nom de ce patron de
l'Express qui choisit les unes des plus outrancières - et décalées du contenu du journal - pour attirer l'oeil et attirer le client.
Twitter est un lieu de posture et d'information, de riposte et d'attaque.
Mais de débat ?
(*)
NDLR: Juan était blogueur activiste de la campagne de François Hollande
après avoir soutenu Ségolène Royal jusqu'aux primaires d'octobre 2011.
Billet publié chez Ragemag.