Il nous a quitté trop tôt, pour certains, quand il était déjà trop tard pour d’autres. Trop tard pour soi-disant avoir la reconnaissance nécessaire etc etc. Allain Leprest n’est plus. Mais ses fans, sa maison de disque continuent d’entretenir sa mémoire, désormais estampillée patrimoine national. Un très beau coffret vient de paraître. Tant mieux.
On peut toutefois reprocher à certains, quand il s’agit de parler du chanteur, de mettre l’accent sur Leprest et la soi-disant non-reconnaissance des médias, la soi-disant non-reconnaissance du grand public et non sur l’œuvre en elle-même. C’est une attitude à double-tranchant : en disant qu’il n’est pas assez reconnu, en insistant sur ce point, on passe à côté de ce qu’il écrit, chanté. Mais en plus en mettant le point-là-dessus, on finit par faire de lui un arbre qui cache la forêt. C’est injuste pour lui, pour les autres.
Remettons les choses au clair : Allain Leprest a rejoint le cercle des chanteurs de chanson française de talent qui ne sont plus : Ferré, Nougaro, Brel, Debronckart etc… Il a su trouver sa propre place auprès du public (il faudra arrêter de raisonner en grand ou petit public, c’est quoi le petit public ??Et le grand ??). Particulièrement vers la fin de sa carrière. Il a fait un duo avec une rescapée de la Star-Academy (Olivia Ruiz), reçut les victoires de la musique pour un album pour enfants, on vit sa tête placardée dans des gigantesques affiches dans le métro parisien, bref éventuellement on peut se plaindre que ce n’était pas assez mais cela relève d’une forme de cécité insupportable. Ah oui, il n’a pas été chez Drucker, Vivement Dimanche, bah ! Tant pis ! Ceux et celles qui ont permis la carrière de l’artiste continueront d’entretenir sa mémoire, son talent comme les studios Hergé entretiennent l’image de Tintin.
Mais ne parlons pas des morts pour évacuer le vivant !
Les fans et des novices écouteront, écouteront. Ecouteront.
Puis il faudra apprendre aussi à ‘tourner la page’, à ‘oublier’. Et se concentrer sur ceux et celles, vivants, plus ou moins de la même génération, qui ont leur publics. Les univers sont différents les uns des autres, mais le talent, la puissance, voire une certaine flamboyance sont là, ne pas oublier ces hommes qui chantent et qui n’ont pas encore vraiment leurs places dans les médiathèques de France et de Navarre, contrairement aux morts –dont le principe est de les laisser reposer en paix- : Romain Didier, Marc Havet, Michel Bülher, Jean-Pierre Réginal, Frédéric Pagès, Jean Guidoni, Claude Astier, Sarcloret etc…ces hommes qui chantent et sur qui, je trouve, mes collègues ‘spécialisés chanson’ sont un peu trop taiseux. C’est dommage.
Luc Melmont