Loto-Québec (LQ) a annoncé qu'elle allait mettre la clé dans la porte de Mise sur toi qui avait récemment obtenu un semblant d'indépendance de la société d'État. Le Devoir a appris que LQ en reprenait le contrôle et que sa gestion relèvera maintenant d'une vice-présidence au jeu responsable. Ce poste créé par le président de Loto-Québec, Gérard Bibeau, sera occupé par la médecin Guylaine Rioux, ancienne présidente et directrice générale de Services Québec. C'est en quelque sorte un retour en arrière pour la société d'État, car ce mandat relevait autrefois des services corporatifs de Loto-Québec. Daniel Dubeau occupait alors le poste de directeur de la recherche et de la prévention du jeu pathologique.
La dissolution de Mise sur toi prouve bien, comme nous le prétendions, que cet organisme n'avait pas une réelle indépendance et qu’elle était assujettie au contrôle de Loto-Québec.
Les campagnes de prévention de Mise sur toi qui faisait la promotion de la notion du jeu responsable que met de l'avant l'industrie du gambling étaient reconnues pour être particulièrement inefficaces.
Une étude de l’INSPQ avait démontré qu’une personne sur cinq croyait que ces messages visaient en fait à encourager la pratique des jeux de hasard, alors que 45% des répondants à l’étude estimaient que les messages n’informaient en rien sur les risques et les dangers du jeu. Face à ces critiques, Mise sur toi avait répondu par une campagne plus mordante sur les dangers des appareils de loterie vidéo. Cette campagne s'écartait du discours corporatif de Loto-Québec sur le jeu responsable, car elle mettait en relief certains dangers associés à ces jeux de hasard électronique dangereusement programmé et qui sont responsables de plus de 90% des demandeurs de traitement pour un problème de dépendance au jeu. Cette campagne, même si, elle était relativement timide, a probablement déplu à Loto-Québec qui a décidé, quelques mois après son lancement, d'en reprendre le contrôle.
Le cash d'abord...
La volonté du gouvernement péquiste de demander à Loto-Québec de générer 140 millions de revenus supplémentaires dans les deux prochaines années n'est probablement pas, aussi étrangère à la disparition de l'organisme. Il ne faut pas être devin pour savoir que toute mesure ou campagne de prévention du jeu compulsif le moindrement efficace a pour conséquence probable, une diminution des profits chez Loto-Québec. Pour le gouvernement Marois, le rendement financier de sa société d'État passe bien avant les préoccupations de santé publique. Il ne faut pas oublier que les jeux de hasard et d'argent représentent une lucrative taxe (volontaire), puisqu'elle permet au gouvernement d'engranger plus d'un milliard 300 millions de dollars par année. Contrairement à l'augmentation des taxes sur les cigarettes, celle-ci a pour effet d'augmenter les problèmes de santé...
Et la Chaire de recherche sur le jeu responsable..
L'annonce par Loto-Québec de la dissolution de Mise sur toi signifie t'elle aussi la fin de la chaire de recherche sur le jeu responsable qu'elle a créé? Si oui, cela ne troublera pas l'auteur de ses lignes. Celle-ci est trop associée à l'industrie étatique du jeu pour être crédible. Sa disparition représenterait donc une bonne nouvelle pour tout ceux qui ont cœur l'indépendance de la recherche sur le jeu.
À quand un observatoire des jeux?
Il est plus que temps que l'on mette en place au Québec, un observatoire des jeux d'argent. Celui-ci devrait être indépendant et relever directement de l'Assemblée nationale. Il serait composé principalement d'intervenants publics, de chercheurs de la santé publique et d'universitaires (sans aucun lien avec Loto-Québec et les organismes qu'elle subventionne).
Cet observatoire québécois des jeux d'argent serait responsable de financer et coordonner l'ensemble des efforts de prévention, d'étude, de recherche et de proposer des mesures concrètes visant à réduire la dangerosité des jeux de hasard et d'argent au sein de la population.
Alain Dubois
Note:
(1) La notion même de jeu responsable comporte un parti pris important puisqu'elle fait uniquement porter la responsabilité des problèmes de jeu sur l'individu: comportements à risques; failles dans le processus cognitif, faiblesses génétiques; dérèglements neurochimiques, etc. Jamais (ou marginalement) les tenants du jeu responsable ne s'intéressent aux facteurs culturels, sociaux, environnementaux; aux impacts de la promotion et de la grande accessibilité des jeux d'argent et de hasard; jamais ils n'analysent la dangerosité des jeux, leurs conceptions (programmation et utilisation des failles dans le fonctionnement du cerveau).
Contrairement à la notion de «jeu sécuritaire», qui englobe l'ensemble des aspects reliés aux développements des problèmes de jeu, la notion de jeu responsable est limitée et unilatérale. L'industrie du jeu, on le comprendra, préfère cibler les comportements à risque des joueurs au lieu de regarder ce qu'elle pourrait faire pour limiter les problèmes de dépendance au jeu.