Le ruban rose y est curieusement épinglé à l'envers, tête en bas, signe d'un horaire surchargé.
Son regard cherche le mien, amorce douce et silencieuse évinçant toute légèreté de l'entretien à venir. Le diagnostic est nommé avant de l'être.
Sa bouche se met à se mouvoir en énonçant des sons. Je la contemple, subitement fascinée par son rouge à lèvres cerise, par la tache blanche du sarrau, la boucle rose du ruban.
La rondeur des lèvres, le carré du sarrau, la courbe du ruban. Un très joli tableau.
Je pense à Noel Burun, ce personnage souffrant d'hypermnésie de type synaesthete, créé par Jeffrey Moore (dans un roman gé-nial: The Memory Artists, Viking Canada, Toronto, 2004.).
Sa pathologie consistait à percevoir les mots et les paroles prononcées comme des explosions vibrantes de couleur et non comme des sons chargés de significations.
Petite, chaque jour de la semaine m'apparaissait comme une page de couleur, sur laquelle s'inscrivaient différentes activités: dimanche et lundi affichaient la valeur blanche, mardi était orange, mercredi vert, jeudi bleu-marine et vendredi brun.
Il est amusant de constater, à rebours, que le samedi suscitait dans mon esprit une image indigo, telle qu'issue de l'indigotier, l'arbuste dont on extrait une teinture utilisée pour colorer les jeans.
Et ainsi de suite pour les mois de l'année et les saisons. Les noms des élèves de la classe évoquaient une combinaison plus complexe de fréquences d'ondes lumineuses, cette notion perceptive que nous appelons couleur.
Rouge, blanc, rose.
Telle est l'image cristallisée de l'instant précis où la docteure LB m'annonça qu'elle m'opérait la semaine suivante pour un cancer du sein.
À suivre.
Image: Chantal Bourgeois, Tableau amérindien.
Carnet Urbain, 2006