Le volume couvre la période qui s’étend de 1876 à la mort de l’écrivain, en 1880. En 1876, il achève ses Trois contes (dont Un cœur simple qui est une vraie merveille littéraire à lire et à relire) et reprend le manuscrit de Bouvard et Pécuchet, cette « Encyclopédie de la bêtise humaine » qui restera inachevée. George Sand vient de mourir, son ami Bouilhet n’avait pas vu la guerre de 1870 et Théophile Gautier lui avait à peine survécu. Plus que jamais, Flaubert demeure l’ermite de Croisset, presque seul survivant d’une époque héroïque, celle de l’Art pour l’art. Depuis déjà quelques années, il fait figure de modèle pour une génération montante d’écrivains (Zola, Maupassant, etc.).
Cependant, resté fidèle à son idéal de jeunesse, modèle, il ne veut surtout pas l’être, lui qui clamait (à propos de l’élection à l’Académie de Maxime Du Camp) : « Les honneurs déshonorent. Le titre dégrade. La fonction abrutit. » Cela ne l’empêche pas de prodiguer quelques conseils aux débutants qui lui envoient leurs livres – de vrais conseils littéraires, non d’aimables louanges vides de sens comme savait si souvent en écrire Victor Hugo – dont la lecture l’ennuie probablement ; en 1880, il en plaisante d’ailleurs : « Plus je vais, plus je trouve farce l’importance que l’on donne aux organes uro-génitaux. Il serait temps d’en rire, non pas des organes – mais de ceux qui veulent coller dessus toute la moralité humaine. » Il ne se prend jamais au sérieux et toujours avec esprit, cultive l’art de l’autodérision, même si, en cette fin de vie, la mélancolie l’emporte fréquemment.
La richesse de cette Correspondance en fait un document de
Son œuvre l’accapare, mais il n’en perd pas pour autant sa capacité d’indignation. Ainsi, lorsque des vers de Maupassant sont poursuivis « pour outrage aux bonnes mœurs et à la morale publique » (ce qui lui rappelle l’affaire de Madame Bovary), il le soutient sans réserve et s’emporte avec raison contre les censeurs : « Sont-ils payés pour démonétiser la République en faisant pleuvoir dessus le mépris et le ridicule ? […] Ils vont te répondre que ta poésie a des tendances obscènes ! Avec la théorie des tendances, on peut faire guillotiner un mouton, pour avoir rêvé de la viande. »
Enfin, il faut saluer la publication dans la même collection, en un volume broché (484 pages, 15€), de l’index qui faisait défaut aux tomes précédents. Cet outil de travail indispensable et attendu depuis si longtemps propose une table des correspondants et un index alphabétique complet, incluant les personnes, les personnages, les lieux et les titres d’œuvres cités par Flaubert.