l paraît qu'un arbre qui
tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse. Aujourd'hui, le chêne qui tombe, ou plutôt qu'on abat, s'appelle l'UMP. Est-il besoin de rappeler les coups de hache portés, depuis maintenant
plusieurs jours, sur le tronc d'un parti vieux de dix ans, planté par la volonté de Jacques Chirac pour réunir sous ses feuillages les familles de la droite et du centre ? Les phrases et les
séquences sont là, inoubliables, parce que violentes et sans précédent : mafia, bourrage d'urnes, fraudes, mainmise...
Sans être arboriculteur, on peut dire que les racines, heureusement pour les bûcherons que sont Jean-François Copé et François Fillon, ne sont pas complètement atteintes. Entre les deux
belligérants, c'est plus une affaire de nuances que de nature, notamment sur le plan économique et social. Par son statut, sa popularité militante et son autorité, Nicolas Sarkozy avait entretenu
l'illusion d'un parti en ordre de marche. Les tensions humaines ont été étouffées grâce à cette soupape. Pour citer Charles Pasqua, qui lui-même citait le général de Gaulle, "à l'UMP, le problème
n'est pas le vide, mais le trop-plein".
Tremplin électoral
Les quadras, dont Copé, ont très tôt compris qu'ils avaient une sérieuse carte à jouer dans la perspective de 2017, plus encore depuis la défaite de Sarkozy. Dès lors, chacun a eu le souci
d'exister, de monter sa petite écurie, d'accroître sa cote de popularité, d'ouvrir son compte Twitter, de se démarquer et, en privé, de se dénigrer. Les socialistes, de ce point de vue-là, ne
pouvaient leur envier qu'une certaine forme de discrétion, ce qui ne tient plus au regard de la semaine écoulée. Parions donc que 2016, année des primaires UMP pour la désignation du candidat à
la présidentielle, donnera de nouveau lieu au spectacle d'une droite divisée et qui, à force de l'être, cherchera du regard un recours : Nicolas Sarkozy.
En face, ou disons à sa droite, le Front national guette attentivement l'évolution des événements. Le parti frontiste, lui, ne connaît pas de problème de leadership ni de ligne politique. Après
avoir connu une période ô combien moribonde, notamment en 2007, à la suite du faible score de Jean-Marie Le Pen, en plus d'importantes difficultés financières, le FN ne peut qu'aller mieux en cet
automne printanier pour lui. Le processus a débuté avec le score de Marine Le Pen à la présidentielle, puis l'élection de deux candidats à l'Assemblée nationale. En termes de communication, le
parti, pour l'heure, ne commet pas d'erreurs majeures et, à en croire la direction, engrange des adhésions par centaines depuis le psychodrame à l'UMP.
Le véritable indicateur sera les municipales de 2014. Une poussée frontiste pourrait se manifester dans des villes petites et moyennes sur l'arc nord, est, sud-est. Alors que ce scrutin est
d'habitude défavorable au FN, il pourrait s'avérer être, cette fois-ci, un tremplin idéologique, sinon électoral. À n'en pas douter, les candidats "marinistes" trouveront une formidable tribune
pour décliner les idées chères au parti : lutte contre l'immigration, droit de vote des étrangers, construction de mosquées, cantines halal, corruption, politique néfaste de Bruxelles... Voilà
pour la forêt qui pousse sans bruit.
Source : Le Point