Loin des metteurs en scène Jean-Claude Fall et Renaud Marie Leblanc l'idée de transposer au théâtre les quelques 850 pages du roman fleuve d'Albert Cohen paru en 1968. Plutôt la volonté d'aller chercher dans l'oeuvre l'essence du personnage d'Ariane d'Auble. La faire se raconter dans une intimité troublante, et nous parler d'amour. Naïvement d'abord, puis passionnément, intensément, follement, douloureusement, au fil d'un montage d'extraits d'une brièveté frustrante (le spectacle dure moins d'une heure) tant le résultat se révèle enthousiasmant. L'interprétation de la sublime Roxane Borgna, seule en scène, n'y est évidemment pas pour rien...
Tandis que le public s'installe sur les gradins de la petite salle du Théâtre de la Tempête (Cartoucherie), Ariane d'Auble est dans son bain, à la vue de tous, semblant méditer, l'âme embuée des vapeurs d'eau s'échappant de la baignoire. C'est depuis ce bassin domestique que l'héroïne se confiera, une fois le noir tombé sur les spectateurs. La mise à nu sera totale.
Ainsi fera t-elle allusion à son enfance de jeune aristocrate, avant d'évoquer son mariage avec Adrien Deume, petit bourgeois qu'elle n'aime pas, sa découverte de l'acte sexuel, contrainte et forcée, le dégoût et la souffrance éprouvés au cours de celui-ci. L'heureuse arrivée des plaisirs de la chair, ensuite, avec d'autres, sa rencontre avec Solal, haut responsable de la Société des Nations, qui deviendra son amant, jusqu'à leur fin tragique (suicide), aboutissement d'une passion totale vécue loin de tout et de tous, s'affranchissant des conventions de l'époque.
De la candeur la plus juvénile au lyrisme le plus ardant, Roxane Borgna illumine et emporte cette partition avec brio. Tour à tour drôle, tragique, complexe, torturée, son Ariane convainc, séduit, touche... Superbement dirigée, elle dévoile un jeu à la fois physique, expressif et cérébral.
Le bel ouvrage que voilà !
Créé il y a quelques années au Centre Dramatique National des 13 Vents de Montpellier, le spectacle est heureusement repris pour les parisiens jusqu'au 16 décembre.
Ne passez pas à côté de ce joli moment.
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Photo : Marc Ginot