Mais quand Bacchus eut un peu grandi, il reçut l'ordre d'aller trouver, à Naxia, le vieux Silène, qui devait achever son éducation. Le chemin était long, l'enfant fatigué !... Il s'assit sur une pierre, pour se reposer...
En jetant les yeux à ses pieds, Bacchus vit une petite herbe, déjà bien sortie du sol, et il la trouva si belle qu'il pensa tout de suite à l'emporter avec lui, pour la planter dans le jardin qu'il ne manquerait pas d'avoir chez son précepteur.
Il la déracina et la prit dans sa main.
Le soleil était très chaud.
Il eut peur que sa petite herbe ne se desséchât avant d'arriver à Naxia.
Un os d'un grand oiseau, mort déjà depuis longtemps, se trouva sur le chemin. Il y introduisit la plant, et poursuivit sa route.
Dans la main du jeune garçon, la tige croissait si vite, que bientôt elle dépassa l'os par le bas. Comme il craignait encore qu'elle ne séchât, il regarda autour de lui, et voyant un os de lion, bien plus gros que l'os du grand oiseau, il y introduit celui-ci, avec la petite herbe.
La tige croissant toujours, dépassa bientôt l'os de lion.
Alors Bacchus, ayant trouvé un os d'âne, énorme, bien plus gros que le gros os du lion, bien plus grand que le grand os du grand oiseau, passa dedans et le gros os du lion et le grand os du grand oiseau et la plante verte.
Il arriva enfin à Nixia.
Quand il voulut mettre la plante dans la terre, il s'aperçut que les racines étaient si bien entrelacées autour de l'os de l'oiseau, autour de l'os du lion, autour de l'os de l'âne qu'il serait impossible de dégager la tige, sans endommager les racines !...
Comme il tenait fort à son herbe, il la planta telle quelle, elle et son triple corset d'os.
La vigne - car c'était une vigne, qu'avec tant de soins il avait apportée - grandit rapidement.
A la grande joie de Bacchus, elle porta des grappes merveilleuses, qu'il pressa et dont il fit le premier vin.
Et il éprouva un étonnement très grand, quand il fut non seulement témoin, mais la première victime d'un grand prodige, que tout le monde peut encore constater aujourd'hui.
Car aujourd'hui encore, comme il arriva jadis à Bacchus, dès que quelqu'un commence à boire le jus du raisin, il devient gai et chante comme un oiseau ; s'il en boit davantage, il pousse des rugissements, devient fort et féroce comme un lion, s'il en boit trop, sa tête se baisse et il devient aussi bête, aussi entêté qu'un âne...