Outre le dossier Bettencourt sur lequel l’ex-président est entendu ce jeudi par un juge d’instruction, Nicolas Sarkozy est menacé par deux autres procédures judiciaires susceptibles de viser ses proches et de mettre en cause ses décisions, même s’il semble protégé des poursuites par son statut d’ancien ministre et d’ex-chef de l’Etat.
L’imbroglio dans l’élection du secrétaire général de l’UMP occulte la nouvelle mais c’est bien ce jeudi que Nicolas Sarkozy est reçu par un juge d’instruction, à Bordeaux, en vue d’une possible mise en examen dans l’enquête sur la fortune de l’héritière de L’Oréal, Liliane Bettencourt, troisième fortune de France et 15e au monde avec environ 17 milliards d’euros, en état de démence depuis 2006 et placée sous tutelle de sa famille en 2011. Le juge s’interroge sur deux retraits de 400.000 euros lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy qui auraient pu servir à la financer, avec l’implication de personnes déjà poursuivies dans le dossier, comme l’ex-gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, membre du Premier cercle (club des donateurs fortunés de l’UMP) et l’ex-trésorier de l’UMP et ex-ministre du Budget Eric Woerth.
Le juge Gentil a saisi les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, des agendas qui attestent l’existence d’une visite chez les Bettencourt le 24 février 2007, au moment d’un des retraits. Si Nicolas Sarkozy admet cette visite, il l’explique comme un déplacement de courtoisie et estime que la validation de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel prouve qu’ils étaient exempts de reproches. Un carnet du photographe François-Marie Banier, ancien proche de la milliardaire, prête pourtant ces mots à l’héritière en 2007 : « De Maistre m’a dit que Sarkozy avait encore demandé de l’argent« . D’autres coïncidences de dates sont relevées, notamment des rencontres entre Eric Woerth et Patrice de Maistre, qui admet avoir organisé les retraits avec un avocat suisse mais assure qu’il a remis l’argent aux Bettencourt et qu’il en ignore l’usage final.
Perquisitions, témoins et preuves constituent le dossier contre l’ex-chef de l’Etat, longtemps intouchable en justice. Mais, s’il était poursuivi, Nicolas Sarkozy entrerait dans un processus susceptible de durer plusieurs années. D’autant que ce supposé financement illégal de campagne n’est pas la seule affaire que l’ancien ministre traîne derrière lui.-
Les sondages de l’Elysée
Le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête préliminaire à la suite d’une plainte pour détournement de fonds publics visant des sondages d’opinion commandés par l’Elysée sous sa présidence, pour un total de 9,4 millions d’euros. Une première information judiciaire sur ces faits pour « favoritisme« , acceptée d’abord par un juge d’instruction, puis invalidée par un arrêt de la cour d’appel de Paris en 2011, pourrait par ailleurs être relancée par la Cour de cassation, dans un autre arrêt annoncé le 19 décembre. Le parquet général demande la relance de ce dossier.
A priori, toute audition et toute poursuite contre Nicolas Sarkozy semblent juridiquement impossibles, du fait de l’immunité pénale attachée à la fonction de chef de l’Etat. Une immunité qui pourrait ne pas s’appliquer à l’entourage présidentiel. Le plaignant, l’association anticorruption Anticor, estime que les sondages n’avaient pas d’intérêt public et souligne que les bénéficiaires essentiels des commandes étaient des sociétés dirigées par deux conseillers et amis de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson (trois millions d’euros) et Pierre Giacometti (2,5 millions d’euros).
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L’affaire Karachi
Deux juges d’instruction ont multiplié les investigations concernant une supposée corruption en marge de contrats d’armement et de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était porte-parole : c’est l’affaire dite de Karachi. Ils ont en particulier mis en examen deux amis proches de l’ancien président, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, témoin de mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni en 2008, directeur de cabinet du Premier ministre Edouard Balladur entre 1993 et 1995 et directeur de sa campagne présidentielle. Ils sont soupçonnés d’avoir convoyé ou reçu frauduleusement des sommes en espèces provenant de la vente de sous-marins au Pakistan (84 millions d’euros) et de frégates à l’Arabie saoudite (200 millions d’euros) dans les années 1990 (voir les différents articles sur cette affaire dans notre dossier)
La perspective d’une implication directe de Nicolas Sarkozy, est juridiquement délicate, car si une audition comme témoin est possible, toute poursuite semble relever de la Cour de justice de la République. Il était en effet à l’époque des faits ministre du Budget (1993-1995), et pourrait avoir approuvé, même s’il le nie, la création de structures off-shore liées à l’affaire. Ce point ne semble pas avoir fait l’objet d’investigations détaillées. Par ailleurs, la saisine de cette juridiction, très complexe, apparaît hautement improbable.
De nombreuses questions planent donc sur l’avenir de Nicolas Sarkozy même si on peut aisément se douter de l’issue juridique de ces dossiers. On se souvient bien de la condamnation de Jacques Chirac, le 15 décembre 2011 à deux ans de prison avec sursis pour des détournements de fonds publics commis dans les années 1990, quand il était maire de Paris.
(avec Reuters)
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