Mademoiselle Liberté - Michel QUINT

Par Liliba

Dans ce très court recueil, Michet Quint imagine la vie des protagonistes du célèbre tableau d’Eugène Delacroix, La liberté guidant le peuple, une toile de toute beauté que l’on peut admirer au Louvre.

On y suit donc la vie d’Eugénie, une jeune femme partie de son Nord natal pour la capitale, où elle commença à exercer des emplois de serveuse avant d’être remarquée par Etienne Arago, le tout nouveau directeur du théâtre du Vaudeville. Elle brulera les planches et, sans abandonner sa réserve et sa sagesse, ne se donnant pas au premier venu, fera connaissance de Frédérick Lemaître puis de Delacroix, qui la prendra comme modèle pour plusieurs de ses tableaux.

C’est dans le rôle de la liberté qu’elle va cependant devenir célèbre, ce tableau où on peu l’admirer portant haut le drapeau français, à moitié dénudée et pieds nus. Michel Quint met le tableau en scène en lui donnant une histoire, en rendant réels ses personnages. Le gamin qui brandit ses deux pistolets aux cotés de la belle pourrait bien être le petit Gavroche, et l’auteur s’amuse à expliquer les détails du tableau en leur faisant prendre vie pour notre plus grand plaisir.

Comme dans les œuvres précédentes de l’auteur (L'espoir d'aimer en chermin - Les amants de Francfort  - Effroyables jardins -Aimer à peine - Close-up), on retrouve sa plume à la verve sympathique, son humour, et un style inimitable, « vivant ». Un petit livre vraiment agréable à lire et extrêmement intéressant !

Ce petit livre est de plus totalement d'actualité puisque le fameux tableau va trouver une place de choix au musée du Louvre-Lens, qui ouvre ses portes le 12 décembre.

Un extrait trouvé sur Libfly :

« Le 28 à l’aube, c’est sûr, ils sont ensemble. L’insurrection les a surpris au point qu’ils n’ont point fait toilette, qu’Eugénie s’est juste drapée d’un pendrillon, oui il semble finalement que ce soit bien une tenture de scène qui l’habille, a coiffé un bonnet tiré d’une pièce un peu farce sur Pâris, le gigolo de la guerre de Troie, et la pomme (ce bonnet, c’est celui de Pâris quand il donne la pomme d’or à Vénus), saisi un drapeau oublié d’avant l’empereur, et ne s’est même pas chaussée. Arago par hasard de garde-robe s’est presque mis sur son trente et un, chapeau claque et redingote, gilet boutonné, cravate, mais le pantalon est incongru, déplacé, un froc de commerçant, dieu qu’il est mâle ainsi, qu’Eugénie ne cesse de tourner la tête vers lui et que Delacroix en est jaloux ! Et voilà nos pieds nickelés en campagne ! Delacroix a refusé de s’armer mais les deux autres brandissent la foudre et tous trois entrent en révolution avec le gamin du concierge qui détrousse le premier macchabée venu et marche au flanc d’Eugénie en chantant la carmagnole, le béret incliné sur l’oreille. Ils vont vers la mitraille qui pète déjà dans les ruelles du vieux Paris, vers l’hôtel de ville qu’il faut investir, chacun en est conscient, rencontrent un ouvrier manufacturier, un noiraud à poil dru, une sorte de fils naturel de Toussaint Louverture, c’est Arago qui le lui dit. Et l’autre, chemise ouverte sur un torse maigre, brandit un sabre, ne comprend pas sa généalogie d’emprunt, c’est qui ce Louverture, et suit la compagnie. Ils continuent ainsi, comme dans Corneille et les trois cents copains du Cid devenus trois mille en arrivant au port, avec la foule, dix mille peut-être, un peuple multiple qui a pillé les armureries et sait qu’en face la troupe est maigre, que les soldats sont en Normandie pour réprimer des incendies criminels, aux frontières du Nord où la Belgique s’agite, à Alger, investie au début du mois, et que le maréchal Marmont, ce pourri de duc de Raguse, traître à Napoléon en 14, a accepté le commandement de l’armée. »

Je remercie les Editions Invenit qui m'ont offert ce superbe petit livre, aussi passionnant que joli. 

Le site de Michel Quint. Quelques explications sur le tableau. Lu également par Mango.