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La diffusion internationale de l’art de la Caraïbe

Publié le 22 novembre 2012 par Aicasc @aica_sc
Que peut – on dire en 2012 de la diffusion internationale de l’art de la Caraïbe ?
 Intervention de Dominique Brebion le 15 mai 2012 à l’Université de la Havane
 ( XI biennale de la Havane)

La diffusion internationale de l’art de la CaraïbeC’est une question qui nous interpelle tous mais pour tenter de la cerner, il est primordial de distinguer :

  • la diffusion institutionnelle dans les musées et les biennales des capitales de l’art de l’insertion dans le marché international à travers les galeries ou les ventes aux enchères
  • le rayonnement d’artistes renommés à titre individuel  (Lam, Kcho, Télémaque) et la diffusion de l’art caribéen,  ce qui introduit la question  « Qu’est ce que l’art caribéen ? » En effet, les journalistes et amateurs affectionnent les formules globalisantes et faciles mais chacun d’entre nous place sans doute sous cette étiquette une réalité différente
  • la diffusion née dans la Caraïbe et la diffusion conçue dans les capitales de l’art
  • les différents vecteurs de la diffusion internationale : les expositions, les ventes, l’édition, les médias numériques

Comment se construit l’image de la Caraïbe dans le circuit international ?

Il est clair que des artistes comme Lam, Télémaque ou Kcho ont intégré à la fois le circuit institutionnel de diffusion et le marché international mais si l’on considère ce que par commodité nous désignons comme l’art de la caraïbe, on perçoit, certes, depuis peu une amorce de diffusion institutionnelle mais ce dernier est encore absent du circuit marchand international. En effet la Caraïbe n’est  pas encore considérée comme un marché émergent  comme le sont devenus l’Inde et la Chine ces dernières années.

La biennale de la Havane a été la première en 1984 et longtemps la seule à promouvoir les arts du Tiers Monde en conviant critiques et professionnels du monde entier à la manifestation, ce qui a généré l’émergence d’un réseau et de nouveaux projets. Ainsi Hamdi El Hattar, initiateur du projet Karibische Kunst Heute présenté à Kassel en 1994, assistait à la Biennale de la Havane en 1989.

Il demeure  primordial de reconnaître que la dynamique caribéenne a jailli dans l’archipel même, plus de quinze ans après la pionnière Biennale de la Havane (1984) mais dès le début des années 90 (Gala di arte Curaçao 1990, Carib art Curaçao 1992, Biennale de peinture de la Caraïbe et de l’Amérique centrale, République dominicaine 1992). Le cinq – centième anniversaire du choc des deux mondes en a sans doute été le détonateur.

La diffusion internationale de l’art de la Caraïbe

Cependant l’enthousiasme des précurseurs n’excluait pas certains tâtonnements.

Comment en effet rapprocher et comparer la production artistique d’îles – leader en raison de leur histoire (Jamaïque, Cuba, République dominicaine) ou de contrées continentales latino – américaines (Venezuela, Colombie) avec celle d’autres îles encore en cours de structuration artistique (Martinique, Barbade, Guadeloupe, Trinidad) sans oublier de nombreux territoires infinitésimaux. En effet, trois îles parmi les plus vastes et les plus peuplées regroupent les écoles d’art et les musées les plus anciens, les biennales nationales ou internationales les plus médiatisées tout en bénéficiant de la synergie du continent latino- américain qui intègre bien volontiers ces petites sœurs hispanophones.

La diffusion de l’art contemporain de la Caraïbe de la décennie 2000 diffère profondément de celle de la décennie 90. La Caraïbe commence à être un peu plus présente dans les musées américains ou européens.

Précédées de peu  par l’exposition du Museo extremeño e ibericano de arte contemporáneo de Badajoz et de la Casa de America de Madrid, Caribe insular : exclusión, fragmentación y paraíso  (1998), plusieurs autres manifestations d’envergure internationale ont promu l’art contemporain de l’arc antillais tout au long de la première décennie du vingt et unième siècle, à la fois dans des structures muséales renommées  (Brooklyn museum, Tate Liverpool, Art museum of Americas)  de capitales de l’art (New – York , Liverpool, Paris , Washington) ainsi que dans des centres d’art confirmés à Hartford (Rockstone & Botheel) et Miami (The Global Caribbean), aux Iles Canaries et dans la Caraïbe   (Horizons insulaires ).

D’une décennie à l’autre, chaque fois que l’on est passé d’une sélection strictement nationale à une pratique

La diffusion internationale de l’art de la Caraïbe
curatoriale fondée sur des critères thématiques ou artistiques, l’image de la Caraïbe s’en est trouvée renforcée et plus cohérente. C’est manifestement le pas franchi entre les premières biennales de peinture et la récente Triennale de République dominicaine, entre les premières participations des pays de la Caraïbe aux Biennales de Saó Paulo en 1994 et 1996 et l’exposition de groupe au sein de cette même biennale, La Caraïbe : une histoire en noir et blanc de 1998. Les réalisations les plus récentes comme Infinite Island ou Rockstone & Botheel mettent l’accent sur les œuvres elles – même plus que sur la représentativité nationale, sur une production artistique de la Caraïbe et non plus de chacune des îles de la  Caraïbe.

En 2012, deux importantes expositions sont programmées : Who are more Sy-Fy than us au Kade Kunsthal d’Amersfoort aux Pays Bas et Caribbean Crossroad of the world dans trois musées de New – York

Un nouvel élan caribéen se dessine dès la fin de la décennie 2000. Il convient de mentionner également des projets initiés dans la région : Atlantide Caraïbe (2008) , Vous êtes ici ( 2010), Caribe expandido ( 2011), Wrestling with the image ( 2011) qu’ils soient présentés dans la région ou ailleurs. En effet, la dynamique caraïbe en faveur du rayonnement des artistes de la zone se poursuit. Ainsi le Pavillon Caribéen à la Biennale de Liverpool en 2009 coordonné par l’International curator’s forum. Les suites positives du séminaire de la Fondation Clément et de l’Aica Caraïbe du sud de 2008 : durant le séminaire, plusieurs institutions et experts internationaux, différents représentants de réseaux d’art contemporain étaient présents. A la suite des échanges de ce symposium, le HKW (Haus der Kulturen der Welt) de Berlin  reçoit en 2012 l’artiste Bertrand Grosol, La Fondation Clément initie Trois par Trois, trois expositions individuelles d’artistes de Martinique à Paris avec la Galerie Robert,  la Galerie Les filles du CalvaireGalerie Anne de Villepoix puis le projet OMA dans le cadre de l’Année de l’Outre – mer. La présence de l’équipe curatoriale de Caribbean crossroad of the world au séminaire de 2008 a facilité aussi la présence d’artistes de Martinique à l’exposition.

La diffusion internationale de l’art de la Caraïbe

L’édition et les médias numériques participent aussi du rayonnement des arts actuels de la Caraïbe.

Aux cotés de Small axe , édité par la Duke University Press depuis 1997 (37 n°s), de nouvelles revues sont nées : Arte Sur, Arte por excellencias, ARC mais la barrière linguistique est souvent un frein important à la circulation des idées :

Quelle aire linguistique a le lectorat potentiel le plus important ?

  • 25 068 273 d’hispanophones dans la Caraïbe et qui s’adossent aux 365 000 000 d’habitants du continent latino américain
  • 8 670 419 anglophones qui peuvent séduire quelques lecteurs britanniques et américains
  • 1 037 723 francophones si on ne comptabilise pas les 9 923 243 haïtiens à qui les difficultés économiques, politiques, climatiques ont fait perdre la dynamique qui existait lorsque Lam et Césaire se rendaient à Port au Prince pour des séminaires ou  lorsque Breton et Malraux participaient à la reconnaissance internationale de l’art naïf haïtien.
  • Les néerlandophones sont moins nombreux (8000 environ )

La diffusion internationale de l’art de la Caraïbe
Des numéros spéciaux de revues européennes ont été consacrés à l’art de la Caraïbe : Art Absolument de novembre 2011 , Papeles de cultura contemporanea n°14 de décembre 2011.

Des ouvrages comme Curating in the Caribbean  présenté au Centre Wifredo Lam pendant la XI biennale de la Havane ont été également publiés.

Mais il faut aussi surtout compter avec les e – magazines : Arte America revue digitale de la Casa de las americas en ligne depuis 2001 (27 n°s), plus récemment, l’excellent Artcronica  mis en ligne depuis peu,   Draconian Swittch dont les co -éditeurs sont Christopher Cozier et Richard Rawlins : seize numéros ont été diffusés depuis 2010, sans oublier le dernier né, Uprising Art . Outre la revue, les e-catalogues favorisent énormément une meilleure connaissance des expositions et des artistes.

Les blogs, les sites jouent un rôle important. J’en citerai deux Arte sur, homonyme de la revue cubaine qui récapitule tout ce qui concerne l’art latino américain : artistes, évènements ; curators, expositions, critiques. Et aussi le site de l’Aica Caraïbe du sud.

Comme l’ont déjà souligné Annie Paul (catalogue The Global Caribbean) et Christopher Cozier (Wrestling with the image), le développement des médias numériques a modifié la façon de travailler et de diffuser des artistes. Ainsi les afficionados peuvent suivre pas à pas la création artistique, la préparation des expositions de Sheena Rose sur son blog : sroseart.tumblr.com. Et même sans voyager vous pouviez assister via Facebookà une performance d’Ebony Patterson Cheap and Clean, visible sur écran à la fois et en même temps Fresh Milk (St. Georges, Barbados), à la Bermuda National Gallery (Hamilton, Bermuda), and à Alice Yard (Port-of-Spain, Trinidad), au Popop Studios (Nassau, The Bahamas) et au Kentucky Museum of Art (Lexington, Kentucky).

L’essentiel aujourd’hui est de conforter et renforcer un réseau caribéen pour accroître notre visibilité.


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