La compagnie low cost commence ŕ voir loin.
Ce sont deux informations qui ont failli passer inaperçues, en France tout au moins, et qui sont lourdes de signification : EasyJet va bientôt desservir Moscou, au départ de Gatwick. Et inaugurer Milan-Rome, au plus grand désarroi d’Alitalia. Au męme moment, la compagnie low cost britannique annonce des résultats flamboyants pour l’exercice fiscal clôturé le 30 septembre, comme s’il s’agissait de narguer ceux de ses collčgues englués dans d’inquiétantes difficultés.
Dčs lors, on pourrait s’en tenir ŕ cela pour confirmer que l’avenir du transport aérien passe irrémédiablement par les petits tarifs et que tout le reste n’est que littérature et combat d’arričre-garde.
Gatwick-Domodedovo, tout d’abord : c’est une incursion dans le long-courrier qui annonce peut-ętre un élargissement de la stratégie de la compagnie. Ici, il n’est plus question de demi-tours en 20 minutes mais plus simplement de s’arroger une clientčle qui ne se rend gučre en Russie parce qu’il s’agit d’une destination lointaine et chčre. Une ligne rentable pour les compagnies traditionnelles et qui verront évidemment d’un mauvais œil l’arrivée de la compagnie orange sur l’une de leurs rares chasses gardées.
Milan-Rome, ensuite : l’Italie, comme toute l’Europe du sud, n’a jamais apprécié le principe męme de la déréglementation. Ce qui n’a pourtant pas réussi ŕ Alitalia premičre maničre, un protectionnisme discret ne l’ayant pas sauvée du désastre financier. Aujourd’hui, relancée avec courage, flanquée d’une filiale low cost Air One un peu trop timide, elle ne fait pas peur ŕ EasyJet, pas plus que les trains ŕ grande vitesse. Le monopole vient d’ętre brisé, tardivement, et les Anglais se précipitent dans la brčche. C’est aussi une maničre de dire aux Allemands que la défunte Lufthansa Italia avait renoncé un peu trop vite.
En un premier temps, EasyJet assurera tout au plus cinq vols quotidiens entre Milan et Rome, alors qu’Alitalia en propose une trentaine sur cet axe qui tient du pont aérien. Agissant avec une telle prudence, EasyJet ne prend évidemment pas de grands risques. Autre nouveauté trčs remarquée, l’ouverture de Luxembourg, c’est-ŕ-dire d’une ligne visant essentiellement une clientčle d’affaires : les petits tarifs ne font plus peur aux banquiers.
EasyJet annonce pour l’année 2011/2012 un chiffre d’affaires de 3,85 milliards de livres, en progression de 11,6%, un bénéfice avant taxes de 317 millions (+ 27,9%), grâce ŕ des coűts hors carburant encore réduits de un p.c. et un coefficient moyen d’occupation des sičges de 88,7%, en hausse de prčs d’un point et demi. En d’autres termes, l’infléchissement voulu par les actionnaires a été brillamment réussi, la rentabilité étant exemplaire, toute tentation de fuite en avant soigneusement contenue. EasyJet est rentable, fičre de l’ętre et entend bien le rester.
Sa flotte, actuellement composée de 214 Airbus A319 et A319, est trčs jeune et le restera, grâce ŕ la livraison réguličre de nouveaux appareils. Une commande supplémentaire est attendue prochainement et promet de retenir l’attention. Soit qu’EasyJet garde le męme fournisseur, soit qu’elle retourne chez Boeing ou donne une chance ŕ Bombardier. Cette derničre option est néanmoins peu probable, la capacité du C.Series étant insuffisante par rapport aux ambitions et ŕ la maničre de faire de la compagnie. Laquelle conserve les faveurs du jury, d’autant que 18% de ses 55 millions de passagers annuels se déplacent pour des raisons professionnelles. De quoi faire réfléchir l’establishment.
Pierre Sparaco - AeroMorning