C'est une polémique inattendue et prévisible.
Un cas d'école.
Quand François Hollande s'est exprimé devant les maires de France à leur Congrès mardi dernier, il a déclaré ceci:
« Les maires sont des représentants de l'État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer »;Les critiques ont été nombreuses parmi les habituels commentateurs et blogueurs que nous sommes. La Twittosphère, ce nouveau thermomètre de l'excitation de quelques-uns, s'est emballée. Pour les uns, Hollande reculait (encore ?) sur l'une de ses promesses de campagne en accordant la faculté à quelques maires récalcitrants de déléguer à l'un de leurs adjoints le soin de célébrer le mariage. Pour les autres, la démarche créait une brèche dans notre droit républicain et laïc. D'aucuns ont expliqué que la "conscience" n'excusait nullement le respect de nos règles laïques.
« la loi s'applique pour tous dans le respect néanmoins de la liberté de conscience »;
« les possibilités de délégations (d'un maire à ses adjoints) existent et peuvent être élargies »
1. François Hollande est victime de sa démarche, le dialogue. Contrairement à son prédécesseur, il n'affiche pas le ton volontariste et clivant quand il annonce ce type de réformes sociétales. Il promeut le dialogue. Sa courte déclaration, devant une assemblée de maires dont certains affichaient vouloir partir en croisade contre la mesure se voulait un geste d'apaisement. Rappelez la séquence précédente: pétitions de quelques furieux, hurlements d'une large fraction de la droite classique, déclarations publiques des plus hautes autorités de l'Eglise catholique, appels aux manifestations de rue de Jean-François Copé, etc. Bref, certains ont voulu dramatiser à l'extrême la réforme et les enjeux. Il fallait leur répondre que (1) la réforme serait votée (c'est prévu pour janvier) et (2) il est inutile de crier au loup et à la conscience puisque les délégations de mariage sont prévues dans la loi.
2. Il est normal, prévisible, légitime que ce geste heurte, choque, trouble les plus fervents défenseurs de la réforme, notamment les associations et supporteurs militant de longue date pour cette légalisation. Le sujet leur tient, nous tient particulièrement à coeur. Par ailleurs, la dictature du buzz est une réalité. Attendre quelques heures ou, pire, une journée, pour recueillir les avis et les éclaircissements est devenu risqué. Les réactions négatives s'empilent, s'auto-alimentent, se renforcent les unes les autres. L'observateur distant qui découvrait mardi soir la polémique pouvait croire que François Hollande avait renoncé à la réforme !
3. Comme l'a expliqué l'un de nos commentateurs et confrères, Elie Arié, le président n'aurait pas dû utiliser le terme "conscience" ni l'idée que les délégations d'autorité - qui existent - pouvaient être "élargies." Primo, ça choque inutilement. Secundo, il n'est pas prévu de modification de la loi en matière de délégation. Tertio, notre loi est suffisamment claire et elle s'applique à tous. Si l’ensemble du conseil municipal refusait de célébrer un mariage, il serait dans une position d'illégalité, et, mercredi, Hollande l'a rappelé sans surprise: « La loi doit s'appliquer partout dans toutes les communes de France ». Mercredi après-midi, Hollande a ainsi reçu deux représentants de l'Inter-LGTB pour reconnaître l'erreur et lever tout malentendu. « Il nous a dit qu'il regrettait d'avoir utilisé ce terme et que ce n'était pas un terme approprié », a confié Mathieu Nocent, membre de l'Inter-LGTB et porte-parole de l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens, cité par Le Nouvel Obs. « Nous sortons de cet entretien rassurés puisque le terme liberté de conscience ne convenait pas et nous sommes dans des dispositions du droit qui ne vont pas changer.»
4. On a failli oublier que le mariage pour tous ... est actuellement illégal. Certains critiques de la déclaration de François Hollande se sont lancés dans des parallèles un peu courts sur les dérives qu'une telle clause de conscience (qui est par ailleurs une chimère) permettrait aux maires pour des mariages qui ne leur conviendrait pas. L'une des plus emblématiques est ce tweet de Frédéric Martel:
Si un maire n'aime pas les couples juifs, arabes, handicapés, il peut ne pas les marier par "liberté de conscience" ?Au final, l'impression est évidemment désagréable.
— Frederic Martel (@martelf) Novembre 20, 2012
Cette polémique était vide, incroyablement vide, comme l'explique fort justement mon confrère Gabale. Jamais François Hollande ni quiconque au gouvernement n'a eu l'intention de créer un quelconque "sous-mariage" pour les homosexuels, ni d'ouvrir je-ne-sais-quel clause de conscience dans notre dispositif législatif pour quelques maires réacs.
Le couac présidentiel est indéniable, tout comme l'emballement qui suivit fut une nouvelle manifestation de la situation de non-débat dans lequel une fraction du pays s'est placée.
La faute à qui ?