Comment le marché de l’or chinois a-t-il progressé ? Et quels sont les projets du gouvernement de l’Empire du Milieu ? Adrian Ash tente de répondre à ces questions depuis Hong Kong.
Par Adrian Ash(*).
Article publié en collaboration avec BullionVault.
Et la Chine reste le grand prix convoité pour les 700 délégués (et plus) de 279 entreprises diverses : compagnies minières, affineurs, banques, négociants et fournisseurs de logistique sécurisée en provenance de 39 pays différents.
« L’appétit de la Chine pour l’or s’est accru rapidement », a expliqué lundi après-midi Albert Cheng, directeur général de la branche Extrême Orient du World Gold Council (Conseil mondial de l’or), l’organisme en charge du développement du marché. Il ajoute qu’en Chine la « demande pour l’or augmente d’une moyenne de 24% par an depuis 2007 ».
Projet de transformation du marché de l’or par la Banque populaire de Chine
« La part de la Chine dans la demande mondiale en or a doublé, passant de 10% en 2007 à 21% en 2011. » Et comme le montre le graphique d'Albert Cheng ci-dessous, la Chine a en fait dépassé au cours du premier semestre de 2012 le pays numéro un mondial pour la consommation d’or, l’Inde, et est loin devant les Etats-Unis, l’Allemagne et la Suisse.
Demande en or des consommateurs par pays du monde (Q1&Q2 2012). Source : World Gold Council, LBMA China Conference, novembre 2012.
Rien de tout cela n’a été accidentel. En tout cas, pas selon Xie Duo, le directeur général de la Banque populaire de Chine s’exprimant lors d’un discours d’ouverture. Plaçant la Chine en pôle position pour la production minière, et maintenant pour la demande des consommateurs, « l’or joue un rôle très important dans la formation du système du marché financier », a-t-il expliqué. Il a aussi répété ce que le président de la Banque populaire de Chine, Zhou Xiaochuan, avait affirmé lors de la conférence de la LBMA de 2004 à Shanghai, et a ensuite rappelé les projets que Zhou avait établis :
- Transformer l’or d’une marchandise en un marché d’investissement financier
Le Shanghai Gold Exchange compte maintenant 33 membres financiers, et trois millions de clients particuliers. Plus de 30 banques commerciales sont actives de bout en bout offrant de l’or physique ou papier, et tenant le rôle d’« un important réseau pour que les citoyens chinois soient impliqués ».
- Transformer le marché d’un marché de livraison immédiate en un marché de produits dérivés
Le règlement différé a été lancé sur le Shanghai Gold Exchange (SGE) en 2004, afin de permettre des volumes plus importants d’échanges non affectés par les pénuries. De 2008 à 2010, cela a compté pour plus de 60% du volume du SGE, jusqu'à 73% en 2011. Comparé aux autres contrats au comptant ou « spot » dans le monde entier, c’est maintenant le plus fortement échangé avec un turnover de 6 000 tonnes l’an passé, selon Xie.
- Transformer le marché chinois d’un marché domestique en un marché international
Le trading 24H/24 est crucial aujourd’hui, affirme le directeur général de la banque. Raison pour laquelle le SGE a lancé sa séance de nuit en 2005, permettant de couvrir l’après-midi du marché de Londres et la séance du matin sur les Futures or du Comex de New York. Maintenant cette période (21H00 à 02H30) compte pour un tiers du volume total du SGE. Celle-ci est particulièrement appréciée par ces banques étrangères qui sont devenues membres de la SGE, en commençant par HSBC en 2008.
Tout cela participe aux « gros progrès sur le marché de l’or chinois », affirme Xie. « Mais il y a encore du chemin à faire. » Et dans quelle direction ? Souvenez-vous, nous sommes en Chine.
« Très franchement, ce succès est le résultat de libres choix du marché et du soutien par des mesures », continuait Xie. « Le gouvernement a pris des mesures efficaces pour garantir un développement en douceur. »
En particulier, en fin d’année dernière le pays a interdit le marché « illégal » de l’or, faisant fermer tous les centres de trading en dehors du SGE et du Shanghai Futures Exchange (SHFE), tous deux officiellement reconnus et gérés. L’inquiétude était que « l’augmentation du cours de l’or avait mené à une poussée de la demande domestique, et ce qui avait conduit des entreprises de trading sur marge à utiliser des contrats de produits dérivés étrangers comme actifs sous-jacents. C’était très risqué à cause des leviers. Donc le gouvernement lutte contre le marché clandestin ».
Plans de développement du marché de l’or en Chine
Exposant sa propre « proposition » sur la façon dont le marché de l’or chinois devrait se développer ici, Xie a fait de cette inquiétude (c’est-à-dire le niveau de risque supporté par les traders citoyens de Chine) la base de trois étapes dans son plan en cinq étapes. En fait, avec l’objectif parallèle « de guider les investisseurs pour trader sur des plates-formes légitimes », tout en gardant le contrôle sur la fourniture pour le marché libre des produits liés à l’or, ceci résume assez la situation :
1-Assurer le développement d’un marché développé ;
2-Améliorer la législation, les réglementations et les politiques ;
3-Améliorer le mécanisme de gestion du risque et de protection des investisseurs ;
4-Renforcer le système du marché et accélérer l’innovation ;
5-Promouvoir davantage d’ouverture vers le monde extérieur.
Le dernier point est pour « plus tard », ajoute Xie, avec le marché de l’or chinois seulement « entièrement ouvert » aux acteurs étrangers une fois les autres points assurés. Et non, tout cela ne va pas encore dans les deux sens. Le géant chinois ICBC (Industrial and Commercial Bank of China) a lui pu obtenir l’accord pour acheter les opérations en Argentine d’une banque d’investissement majeure. Oui, le parti communiste peut avoir considéré pendant longtemps que devenir riche était glorieux, mais son type de capitalisme reste très étranger à l’idée du plaisir financier de l’ouest développé.
Viabilité de la demande pour l’investissement en or
En voyant les troubles que ce plaisir a créés, cependant, vous pouvez pardonner les dirigeants chinois de ne pas vouloir marier la régulation stricte avec un boom des services financiers. Les investisseurs sur l’or, où qu’ils soient, veulent aussi remercier la main lourde des bureaucrates.
« Est-ce que la demande pour l’investissement en or de la Chine est viable ? », demandait Albert Cheng au groupe de chinois et d'asiatiques réuni lundi après-midi. Oui, a répondu Zheng Zhiguang, le directeur général des métaux précieux chez ICBC. Parce qu’au cours des dix prochaines années, il y aura un « développement économique progressif très stable. Donc les revenus des ménages continueront à croître. C’est l’objectif du gouvernement ».
En d’autres mots, et en discutant encore de la question d’un « hard landing » pour les consommateurs chinois et donc leur taux de croissance à deux chiffres de la demande en or, « Pékin a des moyens énormes pour réussir ses objectifs de croissance », a affirmé juste avant la pause du lundi matin le professeur Yu Yongding, un ancien membre de la Banque populaire de Chine et maintenant à l’Institute of World Economics and Politics.
Les propriétaires d’or occidentaux n’ont plus qu’à espérer qu’il ait raison...
(*) Adrian Ash dirige actuellement le bureau de recherches de BullionVault. Après avoir été responsable éditorial de Fleet Street Publications (l'homologue britannique des Publications Agora) il a été correspondant au Daily Reckoning à la City de Londres pendant quatre ans. Il intervient désormais régulièrement dans les publications de 321gold.com, FinancialSense, GoldSeek, Prudent Bear, SafeHaven et Whiskey & Gunpowder ainsi que sur plusieurs sites internet.
BullionVault est un site d'achat d'or physique alloué.