Mesdames Messieurs…
Il est loin l’été, passée la rentrée, éclaboussé octobre, et novembre quasiment dévalé. Mes excuses à mes fidèles lecteurs : comme il arrive parfois, on se laisse déborder, par la vie, les vacances, l’amour, la joie, la littérature, les merveilles, les peines et les catastrophes – aussi. Mais « parlons peu… » : je partage, en modeste contribution, un petit extrait d’un auteur que j’aime particulièrement. Ceci, avant de vous faire part de la somme (considérable) de mes prix littéraires et des découvertes enchantées de cette fin d’année.
Même si ses derniers livres m’emballent moins que les précédents, Christian Bobin fait partie de ces écrivains silencieux, discrets, inspirés, vivant pour ainsi dire reclus de la vie et du bruit littéraires parisiens. On l’envie, on envie sa sérénité, sa distance – enfin non, on ne l’envie pas : on l’admire. Et on admire, au-delà, son écriture.
Il y a une quinzaine de jours, j’ai entretenu une conversation passionnante et enlevée avec un auteur belge, pendant le festival des Utopiales à Nantes. Et le nom de Bobin m’est venu très naturellement. J’ai engagé ce Belge aussi brillant que sympathique à lire Le Très-Bas, alors je vous y engage aussi, comme je vous engage à lire derechef Une petite robe de fête. Deux merveilles, dans une œuvre rare et exigeante, où chaque mot compte, résonne, retentit dans le silence d’une page profonde. J’ai commencé en disant que ses derniers livres m’avaient moins séduite : parce que l’écrivain Bobin a la foi, et que cette foi est à chaque nouvel ouvrage un peu plus présente, et que peut-être, si ce n’était l’écriture, elle donnerait à ses paroles une portée un peu moins universelle.
Quoi qu’il en soit, vient de paraître en Folio Poche Un assassin blanc comme neige. Là, encore, Bobin exprime avec peu de mots beaucoup de lumière, il dit la littérature, la création, la vie. Il prend le temps, égrène, déroule ses phrases pour en faire une légère mélodie qui inspire le recueillement. La foi, peut-être (alors que je ne suis pas croyante), mais la foi dans les mots, la beauté, l’amour de la vie. Tant pis pour les lignes quelque peu prosélytes : lire ce livre-ci, comme les autres, procure une paix… indicible. Bobin renvoie à l’essentiel, loin, très loin du bruit et des agitations stériles de ce manège parisien parfois si… fatigant.
Je place ici (et je lutte pour ne pas tout recopier…) l’une de ces phrases, en ouverture de ce texte, et je la tends, au passage, à mon Amour.
« Je tends une main de papier à des êtres invisibles. J’ai la faculté de voir à travers le mur de fer : nous allons vers de très belles choses, une fois passé l’enfer. Ma mère m’a appris que j’étais né entre deux éclats de ses rires, ce qui sans doute explique le grain de cette phrase : nous allons par le pire à des choses très fleuries et très douces, accordées au secret de nos âmes. »
A très bientôt, pour le meilleur et pour le pire.
Un assassin blanc comme neige, de Christian Bobin. Folio Poche.
Ps. je découvre ébahie que wordpress glisse désormais des publicités sur les pages… Mes excuses pour ce parasitage totalement indépendant de ma volonté. Il va me falloir le temps de trouver un nouvel hébergement « ad-free »…