L'agence a donc dégradé la note de la France. L'agence ne faisait que suivre, avec 10 mois de retard, sa concurrente Standard
and Poor's qui avait fait de même le 13 janvier dernier.
A l'époque, la Sarkofrance avait tremblé.
Aujourd'hui, tout le monde s'en fiche, ou presque.
1. Nous n'avions pas besoin de Moody's pour découvrir que le pays va
mal. On s'en doutait. Le ministre des finances Pierre Moscovici a rappelé que l'héritage ne s'efface pas en 6 mois. Jusqu'en mai dernier, le clan Sarkozy invoquait encore le bilan
des 35 heures votées il y a 14 ans ! Autant dire que la gauche a de la marge pour évoquer la décennie UMPiste écoulée... Pour en revenir à Moody's, l'annonce n'a donc créé aucun choc.
2. La France n'a aucune difficulté à emprunter sur les marchés. Dans le
marasme ambiant, les titres français restent des valeurs relativement appréciées, presque refuge: « Le marché de la dette française est très liquide et reste un placement de référence pour
les investisseurs internationaux, notamment dans un univers financier où le 'AA' devient la norme dans les grands pays occidentaux » déclarait un gestionnaire de fonds à l'Expansion. Mieux,
alors que les Sarko-boys nous prédisaient la faillite du pays dans les quinze jours suivant la prise de fonction de François Hollande, l'agence France Trésor - qui gère les emprunts publics -
pouvait même emprunter à taux négatifs ! Après la décision de Moody's, le
rendement des obligations à 10 ans émises par la France est resté proche des plus bas historiques, à 2,11%.
3. Les agences de notation sont presque sorties du discours politique
officiel. Dans sa dernière année élyséenne, Sarkozy ne cessait de brandir la menace de la dégradation. Le 13 janvier dernier, la décision de SP avait du coup créé choc, énervement
et déception à l'Elysée. Nicolas Sarkozy ne cessait depuis 18 mois d'invoquer la défense du Triple A, le nouveau Graal de son action politique. Pendant la campagne et depuis son élection,
François Hollande s'est bien gardé d'invoquer les agences de notation à tout bout de champ. Non pas qu'il se fiche du redressement des comptes publics. Pas moins de six textes financiers
ont été votés et/ou examinés depuis 6 mois. Mais Hollande invoque d'autres arguments que ce grand méchant loup.
4. En janvier, « les explications de Standard and Poor's
contredisaient des mois d'argumentaires élyséens: la règle d'or ne servait à rien » écrivions-nous alors. A l'époque, SP expliquait que les tensions systémiques européennes étaient trop fortes, que la France était fragile, et que le sommet européen de décembre 2011
n'avait pas été concluant car il ne fournissait pas « de ressources supplémentaires suffisantes » ni « la flexibilité opérationnelle pour soutenir le sauvetage européen»
.
A l'inverse, les explications avancées par Moody's confortent partiellement
l'argumentaire gouvernemental actuel. Il
suffit de lire le texte du communiqué qui accompagne cette décision. Primo, Moody's regrette, à nouveau, la perte de compétitivité de l'économie française et « les rigidités durables des marchés du travail, des biens et des services ».
Deuxièmement, elle souligne que les perspectives de recettes fiscales sont menacées par la trop faible croissance économique. Troisièmement, l'exposition du pays au risque de nouveaux chocs dans
la zone euro est toujours préoccupant, d'autant que les engagements français au sein du MES se sont fortement accrus. Sans rire, l'agence explique aussi qu'à la différence d'autres pays de même
notation hors de la zone euro (par exemple le Royaume Uni), « la France n'a pas accès à une banque centrale nationale pour financer sa dette en cas d'une disruption du marché financier.»
Notre confrère Hervé Nathan, sur Marianne.net, suggère ainsi à
Hollande d'engager rapidement une « renationalisation de la dette »
Ensuite, l'agence loue les efforts entrepris par le gouvernement Ayrault: « l'ampleur limitée du mouvement sur la note
reflète aussi la reconnaissance par Moody's des travaux en cours du gouvernement sur un programme de réforme visant à améliorer la compétitivité du pays et les perspectives de croissance à long
terme. »
Nul doute que certains utiliseront cette dernière et maigre louange pour crier à nouveau combien François Hollande gouverne
pour les agences... Ce sera si facile.
La vraie question reste celle de l'austérité.
Moody's confirme noir sur blanc que cette dernière politique, qu'elle recommandait comme ses consoeurs, ne mène à
rien.