L'enfer est souvent pavé de bonnes intentions. En cherchant à rassurer des maires hostiles au mariage gay, François Hollande a fait référence "aux possibilités de délégations" et à "la liberté de conscience" des édiles. Une mauvaise réponse à une vraie question. Comment refonder sereinement le droit de la famille au 21ème siècle ?
François Hollande, c'est un peut le président qui murmure à la conscience des maires. Devant le congrès de l'AMF, le Chef de l'Etat a ainsi déclaré : "Les maires sont des représentants de l'État. Ils auront, si la loi autorisant le mariage pour tous, est votée, à la faire appliquer", mais "la loi s'applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience", a-t-il ajouté, précisant que "les possibilités de délégation (d'un maire à ses adjoints) existent et peuvent être élargies".
En principe donc, si la loi sur le mariage homosexuel est votée, elle s’appliquera partout. En principe seulement car le diable se niche dans le détail. Qu'en sera-t-il dans une municipalité si le maire et l'ensemble de ses adjoints se refusent de célébrer, pour des raisons de conscience personnelle, ce type de mariage ? Aura-t-on demain une application variable de la loi selon les municipalités ?
Les officiers d'Etat civil ont-ils soudainement un droit d'inventaire dans les lois de la république ? Et qu'en sera-t-il pour les fonctionnaires en général ? Pourront-ils refuser d'appliquer à leur tour certaines lois au motif d'une dissonance avec leur conscience, sorte d'extension de leur droit à désobéir à un ordre manifestement illégal ?
De toute évidence, François Hollande en voulant lâcher du lest aux maires en colère a mis ses pas dans un champ de mines. Parce que le terme même de conscience laisse perplexe. La différence entre la conscience qui s'appuie sur l'éthique personnelle et la simple opinion est loin d'être évidente.
La boulette constitue un terrible aveu. Celui que le sujet n'est pas mûr, qu'il est actuellement trop clivant au sein de la société comme n'a de cesse de le relever l'opposition. Une droite amnésique qui a déjà oublié les 5 années de sarkozysme pendant lesquelles les français ont été systématiquement hérissés les uns contre les autres.
Il est vrai cependant que la question du mariage homosexuel conduit, qu'on le veuille ou non, à ouvrir la boîte de Pandore du droit de la famille. La société a considérablement évolué ces dernières décennies. La structure familiale a connu un bouleversement sans précédent avec l'explosion de la famille monoparentale alors que les progrès de la science ont révolutionné la procréation. Et encore nous n'en sommes qu'aux tous débuts. Grâce aux cellules souches IPS, un même individu pourra demain produire à la fois des ovules et des spermatozoïdes. Dans quelques décennies, les couples d'hommes pourront en outre bénéficier de l'utérus artificiel.
Dans ce contexte, le droit au bonheur pour tous et à la reconnaissance officielle de celui-ci à travers un acte officiel apparaît lié à un droit à l'enfant qui peut être différent d'un droit de l'enfant. Le risque de marchandisation des corps ne peut être exclu et doit être sévèrement encadré sauf à accepter un recul éthique sans précédent.
La refonte de notre droit de la famille est un impératif. Il ne peut néanmoins se faire en catimini au travers de l'adoption rapide et brutale d'une loi incomplète et mal ficelée, prise sous la pression d'un lobby très structuré à l'issue d'une promesse de campagne. Plutôt que de renvoyer à la conscience des maires comme on botte en touche, François Hollande aurait été mieux inspiré de lancer officiellement le vaste chantier du droit de la famille en se donnant 4 années pour aboutir à un corpus législatif finement ciselé à l'issue d'un débat apaisé.