En 2050, le déficit annuel du système de retraite se trouvera entre 70 et 120 milliards. Jeunes étudiants, ne comptez pas trop dessus…
Par Acrithène.
Dans l'un de mes derniers billets, je vous présentais des projections délirantes sur les déséquilibres futurs de l’Assurance Maladie. Aujourd’hui, deux graphiques sur la partie retraite de la Sécurité Sociale. À nouveau, je me base sur les projections réalisées par les administrations publiques en charge de la question, ici le Conseil d’orientation des retraites (COR).
Le COR propose des projections de déficit du système de retraite par années, pour 2015, 2020, 2030, 2040 et 2050. Il envisage trois scénarios différents :
- Dans le Scénario A, la France retrouve le plein-emploi (chômage à 4,5%) aux alentours de 2020, et la productivité du travail par tête s’accroit de 1,8% par an. C’est le rêve.
- Le Scénario B prévoit lui aussi le retour au plein-emploi aux alentours de 2020, mais la croissance de la productivité du travail par tête se limite à 1,5%.
- Enfin, dans le Scénario C, le chômage converge vers les 7% mais la croissance de la productivité du travail reste égale à 1,5%. C’est le pire scénario envisagé.
Personnellement, je trouve l’hypothèse d’un chômage à 7% en 2020, le scénario pessimiste du COR, assez optimiste. Le chômage n’a jamais été en-dessous des 7% depuis 1982 (source). Mais je vous laisse vous faire votre idée.
Dans le graphique suivant, pour chaque scénario, je n’ai fait que reprendre les prévisions de déficit pour 2015, 2020, 2030, 2040 et 2050 et j’ai tiré des droites pour extrapoler les déficits annuels intermédiaires. D’après les estimations du Comité, en 2020, le système de retraite aura un besoin de financement (déficit) d’entre 40 et 50 milliards d’euros (de 2008, donc hors inflation). Rien que ça !
En 2050, ce déficit annuel se trouvera entre 70 et 120 milliards, on ne sait pas trop. Jeunes étudiants, ne comptez pas trop dessus… Personne ne prêtera ces sommes à l’État tous les ans.
Puis, pour qu’on réalise quel sera l’impact des déséquilibres du système de retraite par répartition, j’ai calculé moi-même la contribution de ces déficits futurs sur la dette publique. J’ai pris des hypothèses généreuses, dans lesquelles la croissance économique serait de 2% et l’État emprunterait aux marchés financiers à 3,5% (soit un peu moins que le taux actuel).
Avec ces hypothèses, le seul système de retraite participerait à une hausse de la dette publique d’entre 90 et 130 points de PIB. Soit au minimum la dette actuelle qui nous pose tant de soucis.
À force de lire des choses aberrantes dans mes chroniques, vous allez finir par penser que je suis fou ou que je ne sais pas compter. Sur Contrepoints, une âme innocente m’a même fait remarquer à propos de l’Assurance Maladie que j’avais oublié les provisions faites par l’État pour garantir sa survie, alors que les « provisions » de la Sécurité Sociale se limitent à une dette de plus de 200 milliards d’euros.
Suis-je fou, dépressif ou nul en finance ? Pour m’en défendre, je vous offre mon classeur Excel afin que vous puissiez vous faire votre avis. Et en guise de soutiens d’autorité, connaissez-vous cette obscure institution financière qu’est la Banque des Règlements Internationaux (BRI). Créée en 1930, la BRI est une banque dont la vocation est d’assurer les règlements entre banques centrales et de fournir à ces dernières de la recherche économique. La banque des banques centrales donc. Cette institution peu connu du grand public a un beau « baseline scenario » pour la France. En 2040, la BRI prévoit pour la France une dette publique égale à 400% du PIB ! Le paiement des intérêts seuls s’élèverait à 18% du PIB. De son côté, la BCE estimait, avant la crise, la valeur présente des engagements non financés du système des retraites à plus de 300% du PIB (cf. mon billet à ce propos). Évidemment tout ceci n’est que de la fiction, car tout s’écroulera avant.
À noter qu’à la fin de son rapport, le COR notait les conditions de la pérennité du système à l’horizon 2050. Dans le merveilleux scénario A du plein-emploi et de la croissance retrouvée, il faudra que les jeunes d’aujourd’hui arbitrent entre :
- une hausse de 9,8 points des charges sur leurs revenus ;
- une baisse de 36% de leur pension (relativement au système actuel) ;
- ou le passage de l’âge moyen de départ à la retraite à 70,6 ans (précis !)…
Dernière recommandation de ce rapport : manipuler ces chiffres avec « prudence »…
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Sur le web.
Bibliographie :
« Retraites : perspectives actualisées à moyen et long terme en vue du rendez-vous de 2010 », Conseil d’orientation des retraites, avril 2010 (lien).
Stephen Cecchetti & Madhusudan Mohanty & Fabrizio Zampolli, 2010. « The future of public debt: prospects and implications, » BIS Working Papers 300, Bank for International Settlements (lien).