Revente de billets de concerts à la sauvette, qu'en penser ?

Publié le 20 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Interdire la revente de billets de concerts ou d'événements, c'est rendre un mauvais service à tout le monde! En témoigne l'exemple des jeux olympiques de Londres.

Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec.

Revente de billets de concert sur Ebay

Les revendeurs de billets ou « scalpers » sont souvent considérés comme des ennemis des amateurs d’événements sportifs ou culturels. Pour certains, ils font en sorte que les gens paient « trop » cher pour leurs billets, alors que pour d’autres, ils privent les organisateurs d’une part de leurs revenus.

« Ce n’est pas achetable à ce prix! », lance une jeune fille interviewée par l’émission La Facture, en relation à des billets pour le groupe One Direction au Centre Bell, qui étaient afficher à plus de 5 fois le prix d’origine dans les petites annonces. En fait, c’était plutôt le prix d’origine qui était beaucoup trop bas et qui n’était qu’un mirage; le prix de ce revendeur est plus près du prix réel, i.e. celui qui reflète adéquatement l’offre et la demande. Cette jeune fille n’a peut-être pas les moyens de le payer, tout comme je n’ai pas les moyens de m’acheter une Ferrari, mais ça c’est une autre histoire.

Aux États-Unis, le marché de la revente de billets représente $10 milliards par année et l’activité est de plus en plus tolérée. Pourquoi? Parce que les scalpers rendent un service utile. L’offre de billet est limitée par le nombre de sièges, mais la demande est plutôt difficile à prévoir. Par conséquent, les organisateurs d’évènement ont tendance à sous-évaluer le prix de leurs billets de façon à s’assurer de les vendre. Cependant, lors d’un évènement très prisé, il arrive souvent qu’au prix d’origine, la demande excède l’offre, ce qui cause une pénurie de billets. Cela signifie donc que le « juste prix » de ces billets devrait être significativement plus élevé. Les scalpers contribuent donc à corriger ce déséquilibre de marché.

Comme l’explique bien Vincent Geloso :

Un spectateur qui accepte de donner 200$ à un «scalpeur» en échange d’un billet estime que la valeur qu’il retire de ce billet est égale ou supérieure à 200$ et ce, même si le prix original du billet était de 50$. Imaginons maintenant que le scalpeur n’avait pas le droit d’exercer son métier. On peut penser que le spectateur aurait épargné 150$, mais aurait-il vraiment réussi à obtenir le billet? À un prix plus bas, il y aurait un plus grand nombre d’individus qui voudront en acquérir. Cependant, les billets iront selon le principe du premier arrivé, premier servi. Ainsi, ceux qui se seront présentés en premier à la billetterie obtiendront des billets même si d’autres consommateurs valorisaient davantage ces billets.

En favorisant l’équilibre du marché, les scalpers rendent plusieurs services utiles à la société.

Premièrement, les scalpers permettent aux organisateurs d'événement de vendre leurs billets plus tôt, ce qui réduit l’incertitude à laquelle ils font face. Au moment de la prévente, beaucoup de gens ne savent pas nécessairement s’ils seront en mesure d’assister à l’évènement et ne sont donc pas encore en position d’acheter les billets. Les scalpers eux prennent le risque de les acheter, ce qui permet aux organisateurs d’obtenir des flux monétaires plus rapidement. En réduisant leur fonds de roulement, ceux-ci peuvent économiser des montants significatifs en intérêts. Par ailleurs, les organisateurs obtiennent la certitude qu’ils écouleront suffisamment de billets pour réaliser le profit visé en fonction de leur préférence entre le risque et le rendement.

Deuxièmement, les scalpers absorbent une partie des risques associés à l’évènement. Par exemple, une équipe sportive pourrait voir certains de ses joueurs clés se blesser, ce qui entraînerait une série de défaites et une baisse d’intérêt pour ses matchs. Dans ce cas, les billets se vendraient bien mal.

Troisièmement, les scalpers favorisent les ventes de billets de saison. Pour les matchs où ils ne peuvent être présents, les détenteurs de ces abonnements savent qu’ils pourront revendre leurs billets à un scalper. Cela leur donne plus de flexibilité et de sécurité, et les rend plus confortable à acheter des billets de saison. Les organisateurs sont bien contents de vendre plus de billets de saison et de voir leur salle plus remplie.

Quatrièmement, en rejoignant des gens qui valorisent le plus l’événement, les scalpeurs font en sorte de faire augmenter l’assistance à certains événements. Dans l’état de New York, la légalisation du « scalping » a fait augmenté l’assistance aux événements, ce qui est bon pour les ventes de bière et de chandails.

Cherchant à marquer des points opportunistes auprès de l’électorat, certains politiciens ont mené des croisades contre les scalpers. Dans son article du 4 août 2012, le magazine The Economist faisait un triste constat quand aux jeux de Londres de l’été dernier :

« L’image la plus laide des Jeux Olympiques de 2012 jusqu’à maintenant est celle des bancs vides. »

En effet, les organisateurs ont du faire appel à des soldats et à des étudiants pour remplir les sièges à certains évènements, pour sauver les apparences. C’est que le Olympic Act de 2006 prévoit des amendes allant jusqu’à $7,800 pour les revendeurs de billets, laquelle loi a été mise en application par l’Opération Podium, qui consistait à ce que des policiers vêtus en civils tente de coincer les « touts » (comme on nomme les scalpers au Royaume-Uni) en se faisant passer pour des acheteurs potentiels.

Le résultat : pas de scalpers, pas de libre-marché, pas de transactions…et donc bancs vides! Selon l’article :

« En empêchant la revente de billets, les organisateurs olympiques ont fait en sorte d’empêcher que les billets aillent entre les mains de ceux qui les veulent vraiment et qui, par conséquent, assisteraient aux événements. »

Au Québec, c’est la loi 25 qui interdit dorénavant, depuis 2011, la revente de billets à prix supérieur à la valeur affichée (voir ceci), suite à la montée de lait de l’humoriste Louis-José Houde au Gala de l’ADISQ de 2010. L’humoriste visait spécifiquement le site Billets.ca à cet égard, qui suite à l’implantation de la loi 25, a cessé de revendre des billets. Comme c’est souvent le cas, l’intervention du gouvernement engendre des conséquences négatives inattendues. Les gens ont délaissé Billets.ca pour se tourner vers des vendeurs moins fiables, par exemple dans les petites annonces. Résultat : les cas de fraudes se sont multipliés. Selon l’émission La Facture de Radio-Canada: “Le gouvernement voulait bien faire, mais il a créé autant de problèmes qu’il en a réglés. »

Malgré les embuches légales, Billets.ca est revenu en opération récemment. En s’inspirant de l’entreprise américaine Stubhub, Billets.ca agit maintenant comme entremetteur entre les vendeurs et les acheteurs de billet. Il n’agit donc plus comme revendeur lui-même, mais il fournit un environnement sécuritaire pour encadrer les transactions, après avoir obtenu l’autorisation de la billetterie concernée. Nous sommes cependant loin d’un libre marché.

Conclusion

En rendant la revente de billet illégale, les gouvernements font en sorte de faire augmenter les prix exigés par les revendeurs, puisqu’il y a ainsi moins de concurrence et que ceux-ci cherchent à être compensé pour le risque légal accru. Ce sont donc les acheteurs de billets, ceux que l’on cherche à protéger, qui en souffre à plusieurs égards. De plus, les salles se retrouvent souvent avec des sièges vides, ce qui est mauvais pour l’ambiance et les ventes de produits dérivés. C’est un bel exemple d’intervention du gouvernement qui, même si bien intentionnée, crée plus de problèmes qu’elle n’en règle en brimant le libre-marché.

Notez que le libre-marché est déjà en train de s’adapter aux États-Unis. Suite à ce que la plupart des états américains aient annulé les prix plafonds sur les billets, beaucoup d’équipes sportives ont adopté un mécanisme de prix flexible. Le prix de certains sièges varient jusqu’à quelques minutes avant le début de la partie, ce qui permet aux promoteurs de récolter une partie de la prime normalement empochée par les revendeurs. Ces équipes ont observé une hausse de l’assistance de 15% et une augmentation des revenus de 30%. Donc, pas besoin de la coercition gouvernementale pour arriver à ses fins, juste de l’innovation…laquelle a tendance à se manifester davantage lorsque le marché est laissé libre!

Quelques liens pertinents sur le sujet :

http://mises.org/daily/3888

http://www.leblogueduql.org/2011/06/les-revendeurs-de-billets-offrent-un-service-utile.html

http://www.leblogueduql.org/2011/09/la-loi-25-ou-comment-tuer-les-arts-et-les-sports.html

http://www.economist.com/blogs/gametheory/2012/01/sports-ticketing

http://www.economist.com/node/21559937

http://www.radio-canada.ca/emissions/la_facture/2012-2013/Reportage.asp?idDoc=253429

http://www.cato.org/pubs/regulation/regv32n1/v32n1-2.pdf.

http://www.cato.org/pubs/regulation/regv33n3/regv33n3-6.pdf

http://lavitrecassee.com/2012/11/12/patrick-huard-economiste/

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Sur le web.