L’exposition Véyé la vi’w (Préserves–toi) de Robert Charlotte présentée du 9 novembre au 16 décembre à la Case à Léo de la Fondation Clément répond à une double commande passée à un ethnologue et à un photographe afin de documenter le milieu des combats de coq à la Martinique.
Robert Charlotte présente une quarantaine de portraits de propriétaires de pitts, de soigneurs*, d’éperonneurs*, d’arbitres et d’amateurs. Hommes et femmes, fièrement campés et graves exhibent leur champion au cœur de leur cadre quotidien.
Le décor composite, caloges*, hangar, gradins de pitts, palissades de tôles, la lumière crépusculaire, les couleurs rabattues à l’exception d’éclats de rouge ou plus rarement de jaune, créent une ambiance particulière et donnent toute sa cohérence à cette série qu’il est possible de classer dans la catégorie de la documentation sociale.
Le cliché, ce miroir de mémoire tendu à l’être humain capte l’individu dans le cadre même de sa pratique dans un juste équilibre entre le respect du référent (le cercle des combats de coqs) et l’originalité d’une écriture photographique, qui par ses options quant au cadrage, à la composition, à l’éclairage, produit du sens et définit la manière, la facture de l’auteurL’image n’est pas dérobée à l’insu du modèle mais ce n’est pas non plus une pose imposée. La relation entre le photographe et son modèle s’instaure sur le vif dès la première rencontre et dans le laps de temps très court imparti pour saisir ce fugitif instant où la nuit tombe.
La série Worker portraits de Rodell Warner de Trinidad allie pareillement la série documentaire sur des travailleurs, jardiniers ou cantonniers, dans l’exercice de leur fonction et une écriture photographique ferme marquée par le choix du cadre, de la lumière, de la composition. Le travailleur brandissant son équipement technique se détache vigoureusement d’un fond de ciel bleu dominant l’image au deux tiers.
Ebony Patterson de la Jamaïque, bi
en qu’elle les insère dans une installation, d’objets divers et de peinture murale, documente aussi à travers ses portraits photographiques comme Bulletz and Shellz, Gangstas for life, le milieu du dance hall jamaïcain.Chacun de ses photographes, comme bien d’autres encore, compose une galerie de portraits de la société de la Caraïbe d’aujourd’hui. Robert Charlotte nous ouvre les portes d’un univers généralement perçu comme énigmatique par les non initiés. Il a trouvé le ton le plus juste, loin de la violence ou du sensationnel racoleur.
Dominique Brebion