Pourquoi ne pas donner l'intégralité de ce Petit Tussaud du Rondel, signé de Romain Coolus, dont j'extrayais pour le billet précédent un "Rondel pour célébrer l'auteur de Sourires pincés et de l'Ecornifleur" ? Après Jules Renard ; Gaston Deschamps, Georges Courteline, Alphonse Allais, Marcel Schwob et Willy, complètent donc ce petit musée de célébrités.
Petit Tussaud du Rondel (1)
Rondel liminaire
A Monsieur Gaston Deschamps
Critique au journal : Le Temps.
Vous avez soif, critique austère,
De strophes qu'on nombre dûment,
Dites donc aux lecteurs du Mans,
Dans ce Temps où l'on pond au stère,
Qu'épris du vers égalitaire,
Je veux cadencer congrûment.
Vous avez soif, critique austère,
De strophes qu'on nombre dûment.
Enregistrez ce document.
Comme on soulève des haltères,
Je veux rhytmer, un bock humant.
Que cet aveu vous désaltère :
Vous avez soif, critique austère.
Rondelpour célébrer en l'auteurde Boubourocheun psycho-féminologue unique.
L'étonnant auteur de Boubou-
Roche est de ceux qu'on canonise.
Un tas dont on nous tympanise
Sont nabots quand il est debout.Près de lui la gloire d'About
Comme un mégot se carbonise.
L'étonnant auteur de Boubou-
Roche est de ceux qu'on canonise,
Car toute femme, Hélène, Anne, Ize,
Qui met le bon viril à bout,
Est fièvreuse du sang qui bout
En l'Adèle que galvanise
L'étonnant auteur de Boubou.
Rondelpour célébrer le cocasse d'Alphonse AllaisLe cocasse d'Alphonse Allais
N'a pas besoin qu'on le concasse.
Il épate le Madécasse
Non moins que le bourgeois d'Alais.
Devant tous ses lecteurs hallés,
Allais rit comme un coq coquasse.
Le cocasse d'Alphonse Allais
N'a pas besoin qu'on le concasse.
Il suscite un si sûr cocasse
Que les lobes en sont ballés
Et qu'on dit aux rates : "Allez !"
Tant et si bien que décarcasse
Le cocasse d'Alphonse Allais.Rondelpour louanger Marcel Schwobd'avoir fait peur à des gensTu frissonnas, club-clan du Snob,
Devant les histoires tragiques
A dénouement hémorrhagiques
Que te vint narrer Marcel Schwob.Il vainquit, plus fort qu'Iakob,
Tes dandysmes psychologiques.
Tu frissonnas, club-clan du Snob,
Devant ces histoires tragiques.Qu'il fume du Nil ou du Job -
Le livre aux rêves nostalgiques,
Plus que les tabacs léthargiques,
Inquiète l'àme de Bob...
Tu frissonnes, club-clan du Snob.
Rondelpour louanger Willyde sa bonne croisade contre les musicastres.Willy moque les plumitifs
Et sans s'aliter allitère.
Son mot d'âpreté militaire
Fouaille pour les bons motifs.Il honnit les lieds-vomitifs,
Que la muse de mille itère.
Willy moque les plumlitifs
Et sans s'aliter allitère.
Mais vit-on jamais Willy taire
La beauté des grands primitifs
Ou des prénétrants sensitifs
Dont le nom cosmopolite erre ?
- Willy moque les plumitifs.Romain Coolus
Le nom de Romain Coolus est indissociable de celui de la Revue Blanche, où il collabore du premier au dernier numéro de la série parisienne. Connu surtout pour ses comédies légères, Coolus fut aussi un poète, et pas seulement un poète satirique ou comique. On trouve dans les pages de la Revue Blanche, quelques contes, nouvelles et articles de critique qui ne sont pas sans valeur, et sur lesquel je reviendrais prochainement. En attendant une prose plus facile à mettre en page que ces poèmes rétifs au code html, je termine sur un poème de la série Exodes et Ballades consacré à Tristan Bernard.
Sonnet apothéotique en l'honneur d'un certain Tristan dont l'Yseult se cyclait de pneumatique Dunlop.
Tristan, homme pileux et plus soyeux qu'un porc,
Penché sur l'âme obscure des vélocipèdes,
Toi seul, parmi les sages du municipe, aides
les éphèbes jusqu'à la mort épris de sport.
En eux développant la beauté d'un transport,
Avec la fièvre qui suscitait les aèdes,
Tu leur fais, seuls héros de nos époques laides,
Accomplir des records d'Andorre à Singapor.
Quels que soient les soucis dont ton coeur s'acaruse,
Toujours avec finesse, et dans certains cas, ruse,
Tu règles sans discord d'épineux handicaps,
Et, la main sur le frein qui bâtes les roues-ailes,
Tu sembles aux cyclistes des Gex et des Gaps
Un roi prodigieux guérisseur d'écrouelles.Romain Coolus
(1) Revue Blanche, N° 28, Février 1894.