Comme une lame de fond en plein océan, la mort de Van va avoir un effet dévastateur et brutal sur les personnes de son entourage. Ce roman est l’occasion, pour sa femme Lou, sa fille Laure, l’intrigante Ulma et Van lui-même, de revenir sur leurs vies. Une journée pour que chacun exhume le passé et se remette en question. De l’aube au crépuscule, chaque chapitre donne la parole à un personnage, chacun racontant son enfance, ses liens avec Van, ses sentiments pour lui…
Lame de fond est un roman un peu particulier car chaque phrase est prétexte à utiliser un vocabulaire rare. Et si j’admire la recherche du mot juste pour exprimer ses pensées et apprécie de développer mon vocabulaire, j’avoue que les recherches au dictionnaire ont quelque peu gâché le plaisir de la lecture (ce que j’ai d’ailleurs rapidement laissé tomber).
On retrouve le même souci de précision lorsque l’auteure évoque des mouvements politiques. Il est question de politique intérieure française et de personnages importants de la révolte vietnamienne mais ces informations ne sont jamais expliquées. N’étant ni française ni vietnamienne, j’aurais personnellement apprécié avoir des notes en fin d’ouvrage détaillant les évènements importants, ce qui aurait facilité la compréhension des sujets évoqués. Dans le cadre de ce roman, je trouve que l’auteure fait preuve d’un réel manque de pédagogie en abordant ces thèmes de cette manière. Et la découverte du dénouement me laisse penser que je suis passée à côté d’une partie du roman en raison de ces incompréhensions. J’aurais peut-être pu déduire certaines choses, comme des liens secrets entre les protagonistes, si les informations présentées l’avaient été plus clairement.
Etant donné que c’est le premier roman que je lis de Linda Lê, je ne sais pas si cette recherche de précision dans les termes est sa marque de fabrique. Mais, dans le cas de Lame de fond, cette quête constante du mot juste colle bien à l’histoire de Van qui, comme beaucoup d’immigrés, cherche à parler le français le plus correct possible pour montrer sa bonne intégration tout autant que pour l’exercice de son métier de correcteur.
Un roman qui est bien écrit, avec une chronologie judicieuse, mais un fond qui est bien peu passionnant. Sans parler de Van, que je n’ai pas réussi à prendre en sympathie, lui qui théorise sur tout et a une tendance poussée à la masturbation intellectuelle.
Et si j’ai trouvé que certains passages étaient un peu lourds, j’ai apprécié les surprises aménagées en fin de chapitre, qui créent un choc, relancent le récit et donnent envie de poursuivre la lecture. Les thèmes de l’exil et de l’importance des liens familiaux dans l’évolution d’une vie sont abordés de façon intéressante. En confrontant les différents vécus, l’auteure nous montre que, finalement, seules la volonté et les valeurs de l’être humain détermine ce que sera sa vie et non uniquement l’éducation qu’il a reçue.
À la lecture de ce roman et des quelques informations récoltées sur Linda Lê, je me trouve face à une ressemblance troublante. Comme si Van et Linda Lê n’étaient en fait qu’une seule et même personne. Car le parcours de la romancière est très proche de celui de son héros : une enfance au Vietnam, l’arrivée en France à l’adolescence, des études littéraires et, finalement, une langue maternelle perdue au profit de la langue française, dans laquelle elle excelle. Interpelant…
Merci à Babelio et à l’éditeur Christian Bourgeois pour cette découverte.
Lame de fond – Linda Lê – Christian Bourgeois Editeur – 2012