Depuis quelques jours, le proche-orient est de nouveau le théâtre d’affrontements entre Israel et le Hamas. Le litige porte sur le pilonnage du sud d’Israel par des roquettes et fusées plus ou moins artisanales (écoulées via les tunnels entre l’Egypte et la bande de Gaza puis assemblés sur place), auquel l’armée Israélienne a répondu par une opération appelée « Colonne de fumée » (et maladroitement traduite par « Colonne de défense« ), d’abord aérienne, puis vraisemblablement terrestre dans les prochains jours.
Cette guerre bien réelle présente deux aspects originaux par rapport à nombre de conflits. Le premier, c’est la guerre d’information – l’infowar – à laquelle se livrent les deux parties. Olivier Cimelière en expose les moindres détails de façon remarquable. Le second, c’est la mise en oeuvre d’une technologie qui n’est pas sans rappeler la fameuse Guerre des étoiles si chère à Ronald Reagan.
Souvenez-vous, nous étions en pleine guerre froide, et les Russes menaçaient à tout instant de déclencher le feu nucléaire sur les Etats-Unis et leurs alliés européens. A cette époque, d’éminents savants fous émirent l’idée qu’il serait possible d’intercepter les missiles balistiques porteurs de charges atomiques avant qu’elles n’atteignent leurs objectifs. Le dispositif, fort coûteux, s’appuyait sur un réseau de satellites équipes de lasers de haute puissance: une sorte de bouclier spatial. On nageait en pleine science-fiction, et le programme fut abandonné aux premières heures de l’ère Clinton.
Un peu à la même époque, en 1990, l’Iraq de Saddam Hussein avait envahi le Koweit. La courte guerre du Golfe qui suivit (janvier à mars 1991) vit alors l’Iraq arroser Israël et l’Arabie Saoudite de missiles Scud, dans l’optique d’enrôler Israël dans le conflit et de faire s’effondrer la remarquable coalition mise sur pied par le président Bush. Israël se priva de toute réaction pour préserver cette coalition, se contentant de tentatives d’interception de Scuds à l’aide de missiles sol-air Patriot (souvenez-vous de la chanson…).
Source: Wikipedia
L’une des grandes forces de l’armée israélienne est d’avoir eu à tester et imaginer différentes formes de ripostes pour différentes formes de conflits: invasions, guérilla urbaine, terrorisme ou aujourd’hui campagne de missiles. L’évolution vers des formes de conflits où l’ennemi – Iran, Syrie ou autre – se contenterait d’arroser le territoire israélien de missiles à moyenne portée avait été anticipée. Et la piètre efficacité des Patriot renforça l’idée de travailler sur un programme de missiles intercepteurs.
Sans être un expert d’un tel programme, on peut facilement identifier trois difficultés:
- repérer le tir le plus tôt possible (sur un territoire de quelques centaines de km2)
- prendre la décision de riposter dans un délai très court (un missile envoyé depuis Gaza met environ 15s pour atteindre une ville du sud d’Israël)
- toucher la cible en minimisant les dégâts alentour
Plusieurs entreprises ont participé à la mise au point de ce système de défense. Le quotidien Haaretz en donne une version illustrée que je reproduis ici, avec leur aimable permission.
- Le radar a été développé par la société Elta Systems, une filiale de IAI, le plus gros acteur de l’industrie aérospatiale civile et militaire israélien (un peu l’équivalent de notre EADS).
- Le système de contrôle a été développé par la société mPrest, pour le compte de Rafael.
- Le lanceur Tamir est développé par la société Rafael (étonnamment, il n’existe pas encore de page Wikipedia sur ce type de d’armement…). Il est capable d’intercepter des objets balistiques ennemis de jour comme de nuit, par toute condition météo.
- La société Comtech Telecommunications, enfin, fournit l’infrastructure de communication rapide et sécurisée. La capacité d’interception et de succès repose, rappelons-le, sur la rapidité de la prise de décision. Toute latence peut s’avérer fatale.
Jusqu’à présent, le dôme de fer a marché correctement contre les plus de 600 missiles et roquettes envoyés depuis Gaza, comme l’illustre la petite infographie proposée sur le blog de Tsahal.
Comme c’est souvent le cas, la technologie de défense israélienne préfigure l’évolution des systèmes d’armement d’autres pays, car elle illustre sur le terrain et avec des « données réelles » la physionomie des conflits modernes…
A lire également, l’article de Slate sur le même sujet.