La Grande-Bretagne, la vie, la jeunesse, ses problèmes. Tels sont les thèmes de prédilection de Ken Loach. Après avoir présenté plus d’une dizaine de films à Cannes et remporté la palme d’or en 2006 avec Le Vent se Lève, il revenait pour cette 65ème édition avec La Part des Anges. Il n’en repart pas bredouille : Nanni Moretti lui décerne le prix du jury. Il faut dire que le film a su apporter un peu de légèreté dans la compétition, et ainsi conquérir le cœur des jurés.
Il est indéniable que La Part des Anges est un Loach pure souche. Et pour cause, comme dans l’ensemble de ses films, le cinéaste fait du social. Le scénariste Paul Laverty et lui-même, un peu comme cul et chemise, s’amusent avec les personnages qu’ils créent, tout en n’omettant pas d’intéresser le spectateur aux problèmes endurés par le peuple britannique et particulièrement ici, la jeunesse anglo-saxonne de la classe moyenne, délaissée, repliée sur elle-même, vivant de petits trafics en tout genre et virant progressivement dans la délinquance. La mise en scène de Loach, qui reste sobre et sans artifices, demeure pourtant touchante, nous amenant au plus près de la situation et des personnages. On les découvre, on les comprend et on s’y attache.
Ken Loach a apporté un peu de légèreté dans la compétition cannoise
Mais si le film tape dans le social et aborde des sujets importants, il n’empêche qu’il reste empreint de légèreté d’optimisme et de finesse. C’est ce qui fait la force du cinéma de Loach. Par sa mise en scène simple et intelligente, il nous embarque dans un voyage prenant, grâce à un savoureux mélange entre humour, tendresse et sérieux. La Part des Anges devient alors une œuvre agréable, distrayante, et pourtant instructive et intéressante. Loach a donc créé et imposé son style au travers de sa filmographie : filmer le quotidien, les gens, la vie, et raconter des histoires. Même si il peut sembler superficiel, il n’en est rien. Tout comme ses autres films, La Part des Ange gagne à être creusé et approfondi. La légèreté apportée n’est pas poussée aux dépends de la sincérité des propos tenus, et n’entache pas la face sérieuse du film.
Les comédiens de La Part des Anges, en toute légèreté, sur les marches de Cannes. De quoi apporter un peu de fraîcheur dans la compétition, lors de ce 65ème festival de Cannes.
Au-delà de ses sujets de préoccupation, Loach est aussi finalement un défenseur de la culture britannique. Après avoir considéré les guerres entre les deux Irlande(s), raconté l’histoire d’un dépressif de Manchester, il part ici à l’assaut de la tradition écossaise. Et qui dit Ecosse, dit kilt et, bien entendu, whisky. Ce dernier, justement, sert de trame au film. Un groupe de jeunes, aux limites de la délinquance et condamnés à des travaux d’intérêt général, sont initiés au goût du whisky et partent à la conquête d’un précieux Malt Mill. Le scénariste, ayant avoué être pauvre en connaissances sur le sujet, a donc effectué un beau travail de recherche et part pour écrire le script, sur la route des distilleries d’Ecosse, transmettant ainsi sur le papier le charme envoûtant de la brume des landes écossaises. Mais ce n’est pas le seul hommage à la culture écossaise rendu dans le film. Outre l’apparition de monuments et de paysages verdoyants (au passage, sublimes), Loach semble faire aussi quelques petits clins d’œil, notamment dans une scène, à la cinématographie du pays, et particulièrement au Trainspotting de Danny Boyle, qui se déroulait lui aussi en Ecosse.
En résumé, La Part des Anges est un film parlant de sujets graves mais toujours avec finesse, légèreté, humour, et optimisme, comme il l’avait d’ailleurs fait avec Looking for Eric quelques années plus tôt. A savourer donc sans se prendre la tête, pour se divertir, s’évader ou apprendre. Bien joué Ken !
Terence B.
La Part des Anges – réalisé par Ken Loach - avec Paul Brannigan, John Henshaw, Gary Maitland
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