Comme chaque année, l'EFMA a réalisé, avec le concours d'Infosys, une grande étude internationale sur l'innovation dans la banque de détail, vue par les banquiers. Au-delà des grands titres qui annoncent une augmentation des budgets dans 70% des établissements, ce travail est une excellente opportunité d'analyser les orientations actuelles.
Sur le front des bonnes nouvelles, plusieurs tendances se révèlent largement positives. Point le plus important, un consensus se dégage parmi les responsables interrogés pour considérer que l'innovation est une de leurs priorités. De plus, même dans les régions développées, la cible privilégiée est la conquête de nouveaux clients et la croissance des revenus et non, comme on pourrait le craindre en ces temps économiquement difficiles, de réduire les coûts ou de se conformer aux dernières exigences réglementaires.
Bien évidemment, l'augmentation des budgets alloués à l'innovation en 2012 (par rapport à 2011), qui concerne presque 3 établissements sur 4 (73%, exactement), permet de confirmer les déclarations par les faits. Il en est de même pour l'importante part de ces ressources dévolue aux canaux d'interaction, au service client et à l'expérience utilisateur, qui s'inscrit donc dans la logique de croissance affichée.
La situation n'est cependant pas entièrement au beau fixe. La première faiblesse identifiée concerne la mesure de la performance. Seules 2 banques sur 5 ont mis en place des indicateurs d'évaluation de leurs processus d'innovation, généralement basés sur les revenus générés et/ou l'augmentation de la satisfaction utilisateur induite par l'introduction de nouveaux produits ou services. Or, si les budgets augmentent sans mesure des résultats, les risques de gaspillage croissent "naturellement".
En plongeant dans les détails des canaux pour lesquels l'innovation est jugée la plus importante, Internet et le mobile (classé premier en Europe) recueillent (heureusement !) les suffrages de la majorité des répondants. Et, fort logiquement, 87% reconnaissent l'importance des technologies pour atteindre leurs objectifs. Malgré tout, les investissements informatiques destinés aux agences restent lourds (27% du total), par rapport aux canaux web (25% globalement, 28% en Europe) et mobile (20%).
Au-delà de cette vision "individualisée" du paysage, l'intégration multi-canal est également considérée comme stratégique. Mais ceci n'est pas une nouveauté !
Encore plus précisément, quelles sont les pistes concrètes qu'explorent les banques ? Sur mobile, la localisation d'agence et de GAB ("Guichet Automatique de Banque") par réalité augmentée arrive en tête des innovations déployées (citée par 38% des banques), juste devant le paiement par mobile (35%). Pour l'avenir, les applications pour tablette devraient bénéficier de budgets significatifs dans les prochaines années et les promotions personnalisées et géolocalisées sont en émergence.
Sur le web, les outils de gestion de finances personnelles sont présents dans 29% des banques, tandis qu'un quart d'entre elles ont intégré les médias sociaux dans leur stratégie et un peu plus d'une sur 5 a adopté le tchat ou le click-to-call. La prochaine frontière visée est la souscription en ligne, qui devrait être entièrement automatisable, y compris pour les produits complexes, d'ici 3 ans. A plus long terme, la configuration automatique des produits semble faire partie des plans des banques.
Malgré ces statistiques flatteuses, le taux de déploiement d'innovations relatives aux canaux d'interaction reste faible, à ce jour. Ainsi, sur 22 idées qui leurs sont soumises, l'étude révèle que 58% des banques interrogées en ont déployé 4 ou moins, seulement. S'il faut en croire les déclarations des répondants, une forte accélération serait en cours mais il reste à voir si elle se confirme…
En conclusion, les résultats de cette étude me semblent mitigés. Certes, les déclarations et les budgets pointent vers un progrès sensible de l'innovation dans les banques. Mais, à y regarder de près, il est aisé de percevoir un certain décalage avec la réalité : pour ne prendre que cet exemple, les offres promotionnelles personnalisées, envisagées seulement à moyen terme, risquent d'accuser un sérieux retard sur un marché qui commence déjà à se développer, sans les banques.
Au chapitre des réserves, il faut encore ajouter l'inquiétante lacune dans la mesure de la performance, qui peut conduire à d'immenses déconvenues, l'aberration que représente le niveau de dépenses dans le canal agence (à mettre en regard du point précédent) ou bien le faible taux d'adoption d'innovations, qui, de plus, n'en sont pourtant plus vraiment aujourd'hui.
Avec un brin de cynisme, on pourrait croire que ce que certaines banques appellent "innovation" est en réalité une tentative de rattraper leur retard (celles qui en sont encore à envisager la géolocalisation d'agence en réalité augmentée, 50% de l'échantillon, feraient mieux de ré-allouer leurs budgets). Quand il ne s'agit pas d'initiatives qui piétinent mais dont l'échec ne peut (veut) être prononcé (sur les 35% d'établissements qui déclarent avoir implémenté une solution de paiement mobile, combien peuvent afficher des revenus correspondants ?).
Non, décidément, ce rapport n'apporte pas que des bonnes nouvelles !