Remise en état du terrain pollué et responsabilité du propiétaire
Publié le 14 novembre 2012 par Christophe Buffet
Voici un arrêt qui pose le principe de la responsabilité de la remise en état du terrain pollué par le propriétaire s'il n'y a pas d'autre responsable identifiable et qu'il n'a pas été négligent ou complaisant :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 octobre 2010), que Mmes X... et Y... ont donné à bail à Mme Z... un terrain pour l'exercice d'une activité de conditionnement et de commercialisation de produits chimiques, installation classée pour la protection de l'environnement ; que le bail a été résilié et la liquidation judiciaire de Mme Z... clôturée pour insuffisance d'actifs ; que des produits chimiques avaient été abandonnés sur le site dont les propriétaires ont repris possession ; que le préfet a confié à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (l'ADEME) le soin de conduire les travaux d'élimination des déchets abandonnés ; que l'ADEME, après avoir mené à bien ces travaux, a assigné Mmes X... et Y... pour les voir condamner, sur le fondement de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, à lui régler la somme de 246 917 euros ;
Attendu que l'ADEME fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 541-2 du code l'environnement, toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination dans des conditions propres à éviter lesdits effets et qu'aux termes de l'article 1er de la directive CEE 75-442 du 15 juillet 1975, on entend par " détenteur " le producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets " en sa possession " ; que ce texte qualifie de détenteur la personne qui a les déchets en sa possession, sans qu'il puisse être dérogé à cette qualification pour une quelconque raison et que le propriétaire d'un terrain sur lequel se trouvent des déchets en est donc le détenteur dès lors qu'il jouit des attributs de son droit de propriété, lesquels lui confèrent la possession desdits déchets ; qu'en déboutant l'ADEME de ses demandes dirigées contre les Mmes X... et Y..., aux motifs que, bien qu'ayant recouvré les attributs de leur droit de propriété sur le terrain sur lequel se trouvaient des déchets, elles n'avaient pas, à l'occasion de la production de ces déchets, eu de pouvoir de contrôle et de direction sur l'activité qui les avait générés, cependant qu'elles n'avaient pas elles-mêmes, par leur propre activité, contribué à un risque de pollution, et aux motifs que l'abandon des déchets sur leur terrain ne leur était pas imputable, la cour d'appel a violé l'article L. 541-2 du code l'environnement interprété à la lumière des objectifs assignés aux Etats membres par la directive CEE 75-442 du 15 juillet 1975 ;
Mais attendu qu'en l'absence de tout autre responsable, le propriétaire d'un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement dans leur rédaction applicable, tels qu'éclairés par les dispositions de la directive CEE n° 75-442 du 15 juillet 1975, applicable, à moins qu'il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l'avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance ; qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que si Mmes X... et Y... étaient propriétaires du terrain sur lequel des déchets avaient été abandonnés par l'exploitant, elles ne pouvaient pas se voir reprocher un comportement fautif, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elles n'étaient pas débitrices de l'obligation d'élimination de ces déchets et tenues de régler à l'ADEME le coût des travaux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'ADEME aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'ADEME à payer à Mme X... et à Mme Estève, divorcée A..., la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de l'ADEME ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté l'AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L'ENERGIE de ses demandes dirigées contre les dames Y... et X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'ADEME fonde ses demandes sur les articles L 541-1, L 541-2, issus de la loi du 15 juillet 1975, L 132-1 du code de l'environnement, 1382, 1383 et 1384 du code civil ; que l'article L 541-1 du code de l'environnement, définit un déchet comme étant « tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon. » ; que l'article L 541-2 du même code prévoit « Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets » ; qu'il est précisé par l'article L 541-3 que, au cas où des déchets sont abandonnés (...) contrairement aux prescriptions de la présente loi (...) l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'élimination desdits déchets aux frais du responsable ; que sont visés en qualité de responsable par l'article L 541-2, le producteur ou le détenteur des déchets ; qu'en l'espèce il ressort des pièces versées aux débats que le site litigieux, situé..., est un terrain industriel de 6328 m2, comportant des locaux commerciaux, notamment un hangar occupant la partie centrale, dans lesquels madame Emilienne Z... a exploité, en vertu d'un bail commercial du 1er avril 1971, une activité industrielle de conditionnement et de négoce de produits chimiques à caractère oenologique ou agroalimentaire ; que Madame Z... a procédé à la déclaration de son activité auprès de l'autorité administrative qui a le 30 juillet 1971 rangé cet établissement dans la troisième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes ; que l'exploitante a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 19 mai 1992 et d'un plan de continuation arrêté le 16 février 1993, dont la résolution a été prononcée le 27 juin 1997 ; que le redressement judiciaire a été converti le même jour en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif le 26 mars 1999 ; qu'à la suite de l'effondrement d'une partie du hangar, dont la locataire a été jugée entièrement responsable, le bail a été résilié par jugement du tribunal d'instance de TOULOUSE du 19 mai 1995, confirmé par arrêt du 10 décembre 1996 ; que les bailleresses, après avoir pu rentrer dans les lieux, ont le 7 octobre 1998 déposé plainte contre madame Z... pour abandon de produits chimiques sur leur propriété ; qu'un procès-verbal de la brigade de gendarmerie de FENOUILLET a mis en évidence que sur le site se trouvaient un hangar menaçant ruine et une quantité importante de produits chimiques constituant un danger permanent pour les personnes susceptibles d'y pénétrer, et pour l'environnement ; que cette situation a été confirmée par un rapport du commandant de la compagnie de Toulouse Saint-Michel, qui attirait l'attention de l'autorité préfectorale sur la sérieuse menace pour la sécurité et la salubrité publique, et par un rapport de l'Inspection des Installations classées, lequel mentionnait qu'il avait été constaté que le site était encombré de divers stockages de produits chimiques, bases, acides, insecticides, conditionnés soit en bidons, en sacs, soit en vrac dans des réservoirs aériens sans aucune protection concernant le sol et le sous-sol ; que compte tenu de ces constatations l'autorité préfectorale a pris le 1er décembre 1999 un arrêté imposant les travaux de réhabilitation du site pollué à madame Z... , et le 14 avril 2000 un arrêté imposant ces mêmes travaux à mesdames X... et Y..., propriétaires du site ; qu'à défaut de réalisation de ces travaux, un nouvel arrêté préfectoral du 22 juin 2000, modifié par arrêté du 11 octobre 2000, a été pris, chargeant l'ADEME d'y procéder « aux frais des personnes physiques ou morales responsables du site (...) » ; que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le 7 mai 2002 la requête en annulation de l'arrêté du 1er décembre 1999 présentée par madame Z... ; qu'en revanche cette même juridiction, saisie par les consorts Y..., a par décision du 12 octobre 2000, décidé qu'il serait sursis à l'exécution de l'arrêté du 14 avril 2000, dont elle a ensuite prononcé l'annulation suivant jugement du 6 juin 2002 ; que cette décision, à laquelle l'ADEME n'était pas partie n'a pas l'autorité de la chose jugée à son égard ; que toutefois il n'est pas contesté que les déchets abandonnés sur le terrain appartenant aux consorts X...-Y... proviennent de l'activité pour laquelle madame Z... avait souscrit une déclaration au titre de la loi relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, et qu'en application de la loi du 19 juillet 1976 il incombe à l'exploitant d'une installation classée, ou à son ayant droit, lorsqu'elle est mise en arrêt définitif, de remettre son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de cette loi ; que madame Z... n'a pas respecté son obligation, et que la liquidation judiciaire de cette entreprise, clôturée pour insuffisance d'actif, n'a dégagé aucune somme susceptible de permettre d'y satisfaire ; qu'il est constant que cette prescription ne s'applique pas au propriétaire du site pollué, dont la responsabilité n'est d'ailleurs pas recherchée au cas d'espèce sur le fondement des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 ; que l'ADEME soutient que mesdames X... et Y... étalent devenues les détentrices exclusives des produits chimiques depuis le mois de juillet 1998, et devaient à ce titre en assurer l'élimination ; qu'il est acquis aux débats que maître DE B..., qui avait été désigné en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de madame Z... , a autorisé les propriétaires à reprendre possession des locaux par courrier du 3 juillet 1998 ; que pour autant elles ne peuvent être déclarées détentrices au sens de l'article L 541-2 du code de l'environnement, des déchets qui se trouvaient sur le site lorsqu'elles en ont repris possession, et responsables de leur élimination, dès lors que l'abandon de ces déchets a pour origine la cessation d'activité d'une installation classée ; qu'il est intervenu alors que les propriétaires n'avaient aucun pouvoir de direction et de contrôle sur les locaux litigieux ainsi que sur les produits qui y étaient entreposés ; que l'obligation d'élimination de ces déchets incombait au, dernier exploitant ou à son ayant droit, et qu'elles-mêmes n'ont pas par leur propre activité contribué à un risque de survenance de pollution ; que les consorts X...-Y..., ont déposé plainte contre madame Z..., et ont sollicité du juge des référés la condamnation de cette dernière au versement d'une provision pour évacuer les produits chimiques toxiques, ainsi que la désignation d'un expert pour faire l'inventaire des produits abandonnés sur le site, chiffrer le coût de leur enlèvement et de la remise en état du site ; qu'elles ont exercé à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 14 avril 2000 pris à leur encontre une vole de recours qui a abouti à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif ayant décidé qu'elles ne pouvaient être considérées comme détenant les déchets trouvés sur leur terrain ; que les intimées ne peuvent donc se voir reprocher aucun comportement fautif ; que l'ADEME n'est donc pas fondée à obtenir des consorts X... Y... la prise en charge des frais qu'elle a exposés en application d'une décision de l'autorité administrative prise dans un intérêt collectif touchant à la protection de l'environnement, et alors que ces dépenses auraient dû être assumés par l'exploitant pollueur ou ses ayants droit ; que l'intervention de cet organisme trouve sa cause dans l'arrêté préfectoral du 22 juin 2000 modifié par arrêté du 11 octobre 2000, l'ayant chargée d'assurer les travaux nécessaires à l'élimination des déchets abandonnés par madame Z..., de sorte que l'ADEME n'est pas fondée à se prévaloir d'un enrichissement sans cause des consorts X...-Y... ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la notion de détention, n'est pas définie par le Code civil, même si les articles 2228 et 2236 anciens du Code civil y faisaient référence, pour définir la notion de possession ; que selon l'analyse communément admise, le détenteur est celui qui a le pouvoir de fait sur une chose ; que selon cette analyse, le propriétaire du terrain sur lequel se trouve le déchet, se trouverait de facto détenteur de ce déchet ; que cette position n'est pas satisfaisante, au regard des termes mêmes de loi du 15 juillet 1975, puisque en effet, elle précise en son article 1, codifié à l'article L. 541-1 du code de l'environnement : « est un déchet au sens de la présente loi... tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon » ; qu'ainsi, le détenteur du déchet, des termes mêmes de la loi, est celui qui le destine à l'abandon, celui qui le détient au moment où il l'abandonne ; que dans ces conditions, le propriétaire d'un site où se trouvent des déchets abandonnés pourra se trouver soumis à des régimes différents, selon qu'il sera i ou non démontré que les déchets présents sur sa propriété ont ou non été abandonnés par d'autres que lui ; que si cette démonstration n'est pas faite, il sera présumé, en sa qualité de propriétaire, détenir les déchets se trouvant sur sa propriété ; qu'au contraire, s'il est démontré que ces déchets ont été abandonnés sur sa propriété par un tiers, seul détenteur de ces déchets, au sens de la loi de 1975, (article L 541-1 du Code de l'environnement), alors il ne pourra être soumis à l'obligation que l'article L. 541-2 que ce même Code impose qu'aux producteurs et aux détenteurs des déchets ; qu'en d'autres termes, le propriétaire d'un terrain, en cette seule qualité, est présumé détenteur des déchets qui peuvent s'y trouver, au sens de la loi de 1975 ; que cependant, cette présomption n'est pas irréfragable, et il peut démontrer, pour échapper à cette qualification de détenteur, que c'est un autre que lui qui a procédé à leur abandon ; qu'en l'espèce, cette démonstration est faite, puisqu'il résulte de façon incontestable de l'ensemble des pièces du dossier que les déchets se trouvant sur la propriété de Mme X... et Mme Y... proviennent en fait de l'exploitation des lieux par Mme Z... Emilienne, et que Mme X... et Mme Y... sont étrangères à leur abandon ; que dans ces conditions, Mme X... et Mme Y... contestent à juste titre la qualité de détenteur des déchets, et ne sont donc pas soumises à l'obligation d'assurer leur élimination ; qu'elles n'ont donc pas à supporter le coût des frais avancés par l'ADEME pour ces opérations de réhabilitation ;
ALORS QU'aux termes de l'article L. 541-2 du Code l'environnement, toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination dans des conditions propres à éviter lesdits effets et qu'aux termes de l'article 1er de la directive CEE 75-442 du 15 juillet 1975, on entend par « détenteur » le producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets « en sa possession » ; que ce texte qualifie de détenteur la personne qui a les déchets en sa possession, sans qu'il puisse être dérogé à cette qualification pour une quelconque raison et que le propriétaire d'un terrain sur lequel se trouvent des déchets en est donc le détenteur dès lors qu'il jouit des attributs de son droit de propriété, lesquels lui confèrent la possession desdits déchets ; qu'en déboutant l'ADEME de ses demandes dirigées contre les dames Y... et X..., aux motifs que, bien qu'ayant recouvré les attributs de leur droit de propriété sur le terrain sur lequel se trouvaient des déchets, elles n'avaient pas, à l'occasion de la production de ces déchets, eu de pouvoir de contrôle et de direction sur l'activité qui les avait générés, cependant qu'elles n'avaient pas elles-mêmes, par leur propre activité, contribué à un risque de pollution, et aux motifs que l'abandon des déchets sur leur terrain ne leur était pas imputable, la Cour a violé l'article L. 541-2 du Code l'environnement interprété à la lumière des objectifs assignés aux Etats membres par la directive CEE 75-442 du 15 juillet 1975."