Paris, Maison des sciences de l'homme, 1 avril 2008
La préparation à d'éventuels déménagements a ceci de bon qu'elle fournit parfois d'heureuses surprises. C'est pourquoi en tout cas on ne peut que se réjouir à la Fondation Maison des sciences de l'homme de la petite trouvaille d'une de ses bibliothécaires au fond d'un carton d'archives qu'elle était en train de traiter. En fait, et c'est pourquoi nous l'évoquons ici, il s'agit d'un document concernant le Mexique. Rien de moins qu'un texte rédigé par Fernand Braudel au cours de l'année 1951 pour être lu dans la ville de Mexico au cours d'un conférence publique organisée par François Chevalier en hommage à José Vasconcelos. Il n'y a aucune indication en marge, ou dans le texte, sur l'endroit où eut lieu l'événement, mais on reste séduit par ce qu'il nous apporte.
On comprend aisément qu'un homme tel que Vasconcelos ait pu séduire un grand esprit comme Fernand Braudel. N'était-il pas d'origine portugaise, donc porteur d'un lien avec le monde méditerranéen, lui le penseur, l'écrivain et l'homme politique si profondément mexicain qui a posé les fondations de l'éducation moderne dans son pays ? Mais on est encore surpris par la puissance intellectuelle qui émane de ces quelques pages en constatant à chaque ligne que son respect pour les audaces pédagogiques de Vasconcelos entraîne le fondateur de la MSH à faire un long panorama de l'apport aztèque au monde moderne mexicain. On ignorait jusqu'alors la connaissance que l'immense spécialiste de la Méditerranée avait d'une civilisation aussi complexe où le matériel ne pouvait subsister que par la force d'un imaginaire resplendissant.
Mais il y a plus, car Braudel nous donne alors un aperçu de sa puissance intuitive et il effectue en quelques phrases définitives un rapprochement pertinent entre le bassin de la Méditerranée, les hauts-plateaux mésoaméricains et le chatoiement de la vallée du Gange. En quelque sorte, il pressentait ce que confirmera Octavio Paz lors de son séjour en Inde au cours des années soixante. Une manière de surréalisme essentiellement scientifique qui prenait déjà le pas sur les fulgurances artistiques d'André Breton ou d'Antonin Artaud.
Il est trop tôt encore pour analyser ce que va nous révéler de profond ce texte aussi fécond dont nous ne savons pas exactement comment il avait été reçu à l'époque au Mexique. Mais nul doute qu'il faudra rapidement tâcher d'en faire une publication raisonnée qui en surprendra plus d'un, en France comme de l'autre côté de l'Atlantique.
Le Salon du mois de mai permettra d'apporter d'autres informations sur ce qui constitue, qu'on le veuille ou non, un petit événement dans l'étude des relations scientifiques qui ont depuis si longtemps permis au Mexique et à la France d'entretenir des sentiments très profonds.