Plus de dix ans maintenant que Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic, comédiens-metteurs en scène initiateurs du projet, promènent de scènes en scènes avec un succès mérité, à Paris comme en province, "Des Souris et des Hommes". Sans fioriture, sincère, émouvant, évident, le spectacle se fait l'illustration fidèle et intense de cette histoire d'amitié poignante que Steinbeck adapta lui-même pour le théâtre en 1937.
Chacun connaît l'intrigue. Durant la Dépression des années 30, George et Lennie (respectivement incarnés par Evariste et Ivancic) parcourent les ranchs de l'Amérique profonde, enchaînant les petits boulots, tout à leur rêve de pouvoir un jour s'offrir leur propre ferme. Avec bienveillance et affection, le premier veille sur le second dont la simplicité d'esprit et la force hors du commun provoquent souvent des incidents, obligeant les deux amis à quitter la place qu'ils viennent de trouver. Un jour, Lennie va involontairement tuer la femme du patron de l'établissement où ils travaillent, mettant ainsi un terme définitif à leurs projets communs...
C'est un monde viril, violent, peuplé d'êtres solitaires aux illusions perdues, blessés par la vie, ayant tiré un trait sur l'american dream, que Steinbeck dépeint ici avec un réalisme à la fois saisissant et sublime. Autour des deux héros vecteurs d'une certaine idée de l'Homme, de la liberté, de l'amitié, prônant indirectement la tolérance, la réalité d'un pays, d’une société cruelle et sans pitié nous apparaît au grand jour.
Sur le plateau, dirigés par Anne Bourgeois, autour des deux comédiens principaux qui forment un duo à l’appréciable complicité, pas moins de huit interprètes superbement investis, intenses, à l'énergie collective palpable, donnent vie au drame qui se tisse sous nos yeux. Et si parfois le jeu de certains se voit pollué de quelques tics d'acteurs, aucun ne démérite. Leurs personnages, forts ou faibles, aux plaies physiques ou psychiques multiples, sont subtilement construits, richement nourris. Jacques Herlin par exemple, en vieil ouvrier épuisé, au regard hagard laissant percevoir bonté, solitude, et désespoir nous a émus aux larmes.
Mais disons-le sans détour, c’est bien Philippe Ivancic qui avec sa composition de Lennie porte haut le spectacle. Terriblement attachant, d’une infinie justesse dans sa naïveté primitive emplie de joies, de rêves, mais aussi de souffrances indicibles, le comédien se révèle extraordinaire et bouleversant.
Une mise en scène qui évite l’esbroufe et va à l’essentiel, une scénographie épurée mais visuellement très forte parlant instantanément au spectateur, des costumes aussi authentiques que les acteurs, des éclairages léchés achèvent de faire de ce spectacle un fort joli moment de théâtre qu’on ne pourra que vous recommander.
Allez-y.
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Photos : Lot