Petite précision avant de commencer : je
suis pour le mariage homo et pour l’adoption par des couples homos. C’est écrit
assez gros ? Vous lisez bien dans le fond ?
Donc, je viens de lire la tirade de Virginie
Despentes dans Têtu. Je n'en suis pas encore revenu. Tant de bêtise diluée dans
13 000 signes et chauffée à l’alcool de bile, ça vire vite fait au caramel collant. Déjà,
c'est écrit avec les pieds. Elle se répète toutes les deux lignes, histoire de s'assurer
qu'on a bien retenu son argumentation lumineuse.
Si j'ai bien tout compris (mais c'est pas sûr,
tant c’était un calvaire d'aller jusqu'au bout de cette diarrhée), son cas personnel d'écrivaine lesbienne post-camée doit être la seule référence qui vaille
pour orienter le législateur sur le mariage gay. Les autres ? Circulez, on n'a pas besoin de votre avis.
Les hétéros ? «Rien à branler, depuis que je me
suis mis avec une femme qui ne se reconnait pas en tant telle». Ce n'est pas
d'elle littéralement, hein… Je résume autant qu'il est possible la pensée profonde de
Virginie Shakespeare. De toutes façons, c'est mort pour eux, car elle avait aussi déclaré un jour, dans Elle Québec : «C'est plus dur de vieillir quand on est hétéro.
La séduction existe entre filles, mais elle est plus cool, on n'est pas
déchue à 40 ans».
Les parents adoptifs ? Là c’est texto : «Arrêtez de
croire qu'un petit Coréen ou un petit Haïtien regarde ses deux parents
caucasiens en imaginant qu'il est sorti de leurs ventres.» Il me semble bien
que ces imbécillités n'ont plus cours dans la majorité des familles avec enfants adoptés. Mais elle est comme ça, Despentes : 43 ans et l'Histoire en bandoulière.
La gauche ? Là aussi, je résume : «Que des
jean-foutre !» Le second terme en nom commun, je vous prie. Sinon ça
gâche ses effets de manches retroussées. Dans son pensum, ça donne : «Certaines
formations socialistes amènent à diviser les êtres humains en deux catégories :
les vrais humains, et ceux qui devraient se cacher et se taire.» La gauche veut
juste légaliser le mariage homo. Mais à part ça, c’est un beau ramassis de
crapules. Un petit retour de Nicolas Sarkozy, ça vous dirait, Mme Lescrivaine ? Faut
pas vous gêner, c’est à la mode, en ce moment.
Les hommes hétéros ? Attrapez, c'est pour vous,
en Despentes dans le texte : «Arrangez-vous avec votre putain d'hétérosexualité
comme ça vous chante, trouvez des connes pour vous sucer la pine en disant que
c'est génial de le faire gratos avant de vous faire cracher au bassinet en
pensions compensatoires». «Prestations compensatoires» serait plus juste, mais
on ne va pas l’énerver avec les précisions administratives, elle nous en ferait
un clafoutis.
Oh ! Et puis le charmant «[les hommes hétéros] divorcent plus
facilement qu'ils ne changent de voiture». Virginie a trouvé l’amour, le vrai,
l’unique, le sien. Donc faites pas chier avec vos bassesses de velus. Velus aux
genoux desquels elle se jetait il n’y a encore pas si longtemps. Mais ça c’était
avant...
Les femmes hétéros ? Là, bravo, j’applaudis, rien à
dire, c'est la stricte vérité : «C'est dommage pour les femmes, vu que, in
fine, cette humanité là, c'est l'histoire de comment elles en ont pris plein la
gueule pendant des millénaires, mais c'est l'humanité, que veux tu, on la
changera pas.».
On attendait la suite. Mais déjà, les femmes hétéros ne l'intéressent déjà
plus. Elle est lesbienne depuis huit ans. Avant, il n’y avait rien. Depuis,
tout a commencé. Les autres, les gourdasses enchaînées, vous n’allez quand même
pas en plus la ramener avec votre avis sur le mariage gay ?
Lionel Jospin ? Il n'a aucun droit à donner
son avis, l’austère qui se marre. Même à titre personnel, lui qui respecte la
décision de son parti. Surtout pas malheureux ! Le seul avis qui compte, c'est
celui de Sa Sainteté Despentes Rimpoche, qui pense d'abord et avant tout à son
petit héritage. Car figurez-vous que sa copine va payer 60% de droits de
succession si c'est Despentes qui descend en premier. Il y a dix milliards de façons de s'arranger avant pour éviter ça. Mais ça lui prend la tête rien que d'y réfléchir deux minutes. En plus, si ça se trouve, avec l’héritage
déjà spolié, Jospin va faire le plein de sa voiture de fonction et partir à
l’île de Ré…
Après, on a droit à la péroraison. Il était temps,
j’avais un mal de crâne épouvantable à déchiffrer ce salmigondis. Attrapez-ça, Raymond et Lucette: «Vos vies dans l'ensemble sont plutôt
merdiques, vos vies amoureuses sont plutôt calamiteuses, arrêtez de croire que
ça ne se voit pas.» Tout est dans le «dans l'ensemble»… Les maths, c’est son
truc, à Despentes : les «plutôt» et les «dans l’ensemble», c’est
l’humanité moins deux élues : elle et sa copine philosophe.
Je vous ai gardé le meilleur de sa logorrhée pour la fin. C’est du splendide :
«Moi je vous fous la paix, tous (sic), avec vos mariages pourris».
C'est ça, qu’elle nous foute la paix. Qu’elle s’occupe d’écrire ses
bouquins. Ou des tribunes lisibles dans Têtu. Ça sera déjà beau. Et nous, ça nous fera des vacances studieuses.
Pendant ce temps, il y aura des gens qui trouveront le temps de légiférer
sereinement, humainement, pour régler enfin la situation de couples homos qui
veulent juste se marier et adopter tranquille, sans être interrompus par ces
jérémiades de néo-convertie.
Illustration : wikipédia.