Mais si je n'y allais pas.
J'ai croisé cet homme par hasard, un jour de courses le midi, nous avions envie du même livre. Il a pris le dernier devant moi, m'a vu, m'a souri. Le mufle !
Puis chemin faisant la caisse de cette chaîne de magasin, où l'on a toujours l'impression de prendre celle qui est la plus lente, où il y a le plus gros tas de livres non référencés, où la personne met plusieurs heures pour utiliser sa carte bleue, bref j'attendais. Mes deux livres serrés sur mon loden vert, regardant mes nouvelles derbys noires vernies, mon collant gris chiné en laine et cachemire si doux, avec ma tunique en cuir douce dessous, toute bleue. Je suis enfin arrivée à la caisse, j'ai payé.
Il était là, devant moi, cet homme. Il m'a souri à nouveau.
"Vous vouliez ce livre ?" en me le mettant pile devant les yeux. Mufle et joueur ?
"Je vous l'offre .... mais à une condition, que vous le lisiez, le passiez à vos amies et copines, et que nous en parlions dans un mois devant des macarons et un chocolat chaud ou du thé. J'ai mis mon email à la dernière page."
Charmant, charmeur même. Pas mon style, d'ailleurs je n'en ai pas vraiment de style d'homme, à part celui de prendre les tocards qui collent et que je décolle difficilement de ma colocation. Je suis célibataire, trentenaire, seule et heureuse de l'être actuellement sauf les soirs de pluie, les week-end gris et les jours de cocooning intérieur.
Heureusement il y a les copines, en couple mais aussi ma tribu de trentenaires célib.
Je reste muette, surprise et finalement souriante car ce livre contient déjà une histoire en plus. Un bonus, une chance en plus, c'est mon jour de chance. Je lui souris, j'ouvre pour vérifier bêtement, je relis la couverture.
"Merci, je note, je lis."
Finalement j'ai lu dès le soir même, puis au bout d'une semaine, je lui envoyé un email pour parler de ma progression, comme parler de météo pour meubler. Il était heureux de savoir la lecture sereine, me laissant prendre mon temps pour le finir. Nous avons découvert un plaisir commun pour les mots mais sur des sujets vastes et différents. Nous sommes tous les deux sur babelio.com. Nous avons devisé sur les autres livres achetés ce jour-là, sur le livre numérique, désagréable subsitut synthétique et sans âme, pas si économique d'ailleurs.
Ce soir, nous avons rendez-vous, je ne sais rien de lui, si peu, et réciproquement. Mais je suis curieuse, un lecteur, un amateur de mot, de macarons ne peut être qu'un homme quasi normal.
J'ai misé d'abord sur le pantalon slim noir en premier lieu, puis mon côté fille à repris le dessus, un opaque, super opaque et donc super enveloppant, moulant sculptant noir satiné. Des bottines en cuir, un petit talon, une tunique en laine, il fait froid aujourd'hui, mais avec des clous, un brin graphique et rock, mais chic à la fois. Je marche, mon manteau Desigual pour couper ce vent d'automne, vers cette chocolaterie. Un lieu qui semblait sympa sur internet.
Et si je lui parlais que du livre !
Et si je regardais enfin ses yeux !
Et si il était écrivain !
Et si je n'avais pas le trac !
Et si ...
Nylonement