A propos de Free Radicals Une Histoire du Cinéma Expérimental de et avec Pip Chodorov
Extrait de Ghosts before Breakfast d’Hans Richter (1928)
Malgré son étonnante (et paradoxale) facture classique, Free Radicals Une Histoire du Cinéma Expérimental est une petite pépite, une plongée passionnante dans l’Histoire du Cinéma expérimental. Réalisée par Pip Chodorov (né en 1965), lui-même cinéaste expérimental et compositeur de musiques de films du même genre, c’est autant un hommage aux amis cinéastes de Chodorov (Jonas Mekas, Robert Breer, Stan Brakhage, Peter Kubelka, Michael Snow pour ne citer qu’eux) qui ont écrit l’Histoire du cinéma expérimental dans les années 1960 qu’un documentaire foisonnant remontant jusqu’à ses origines et aux pionniers du genre.
Dans les années 1920, l’Allemand Hans Richter (1888-1976), contraint par les limites de la peinture, décida de passer du support de la toile à celui de la pellicule, dans le souci de créer une image animée composée de motifs abstraits et géométriques en mouvements. Le rythme a toujours été ce qui guidait la démarche de ces réalisateurs dits « marginaux » mais plutôt « en marge » car jamais rentrés dans une case ni dans un véritable circuit commercial, que ce soit ceux de l’Art contemporain ou du cinéma avec un grand « C ». D’où la difficulté pour ces cinéastes de faire (re)connaître leur travail voire même, plus prosaïquement, de réussir à vivre et à manger même parfois, comme le confie Ken Jacobs dans une interview. Jonas Mekas, d’origine lituanienne, est l’un des réalisateurs les plus connus du mouvement. Emigré à New-York en 1949, il fut souvent contraint d’exercer des petits boulots pour survivre et payer les bouts de pellicule qu’il devait s’achetait au même titre que des machines, beaucoup plus onéreuses, pour les monter.
Ce qui caractérise ces cinéastes, c’est bien leur plaisir à créer, l’extraordinaire liberté et l’humour qu’ils se sont toujours permis dans leur vie comme dans leur art, en dehors de tout dogme. Cette liberté de création culmine dans un chef d’œuvre comme Ghosts before Breakfast (1928) de Richter, qui est un pied de nez magnifique et courageux aux Nazis. Ghosts before Breakfast vaudra à Richter non seulement de se faire casser la figure par les Nazis mais l’obligera carrément à fuir aux Etats-Unis et à New-York, terre d’accueil et d’asile d’un bon nombre de ces réalisateurs.
L’avantage et la qualité première de Free Radicals Une Histoire du Cinéma Expérimental, c’est de passer des extraits de films suffisamment longs pour se faire une idée de l’esprit d’émancipation et de la radicalité formelle qui caractérisent le cinéma expérimental dans son ensemble. L’esprit dadaïste de Richter est celui que l’on retrouvera dans les œuvres d’un autre « allumé » mais tout aussi exigent dans sa discipline : l’Américain Stan Vanderbeek (1927-1984).
Free Radicals Une Histoire du Cinéma Expérimental rend donc enfin justice à ce qu’a apporté à l’Art le cinéma expérimental (et qu’il continue à lui apporter), près d’un siècle après sa naissance. Un peu à l’image de ce qu’a fait Mekas en créant l’Anthology Film Archives à New York. Si des cinéastes comme Len Lye, Maya Deren ou le Français Maurice Lemaître ne vous disent peut-être rien, d’autres noms comme ceux de Nam June Paik ou Andy Warhol vous parleront davantage, même si ce ne sont pas les films expérimentaux de Warhol que l’on retient en premier. Un seul conseil en tout cas (on l’aura compris) : foncez voir Free Radicals Une Histoire du Cinéma Expérimental. Car si le film de Chodorov passe bien – quant à lui – par un circuit commercial, il n’est visible que dans une seule salle à Paris. Et peut-être pas pour longtemps…
http://www.youtube.com/watch?v=lrsGVmuo6R0
Scénario de Pip Chodorov avec Lucy Allwood :
Mise en scène :
Dialogues :
Compositions de Black Lake et Slink Moss :