Grâce à Carlotta, c’est un monstre qui revient à la vie. Ou plutôt un vrai film de monstre. En sortant une version restaurée et 3D telle que tournée à l’époque, le distributeur nous donne l’occasion de (re)découvrir l’Étrange Créature du Lac Noir, petit bijou au charme d’antan mais aussi un film qui a marqué par ses innovations techniques.
Qu’importe, en revoyant le film de nos jours, on lui trouve un charme que seuls les films de monstres d’époque pouvaient avoir avec leurs créatures victimes de la cruauté des hommes et succombant facilement aux charmes du rôle féminin de l’aventure. L’Etrange Créature du Lac Noir n’échappe pas à cette règle. Nous voilà donc embarqué avec un groupe de scientifique à bord d’un bateau en pleine Amazonie encore remplie de mystère, à la recherche du chaînon manquant entre les animaux terrestres et leurs ancêtres marins. Ils vont alors tomber sur un monstre, un humanoïde vivant dans l’eau depuis des milliers d’années.
Pour implanter ce nouveau monstre qui, contrairement à la plupart des créatures de l’écurie, n’est pas issu d’un livre, ses créateurs s’aventurent un terrain proche de King Kong, celui de l’exploration scientifique. Et si aujourd’hui, cette quête peut sembler datée et un brin naïve, elle avait tout à l’époque pour terroriser le public mais avait aussi les ingrédients romantiques pour le conquérir. Il faut dire que le film présente un argument de taille : ses séquences sous-marines. En effet, le film présente des séquences tournées sous l’eau assez spectaculaires pour l’époque et qui donnent tout son cachet au film. Plus qu’un simple élément du décor, l’eau est un personnage du film dans le sens où il héberge le monstre et révèle une certaine peur de l’inconnu, de ce que l’on ne voit pas.
Jack Arnold qui s’occupe de la réalisation du film n’en est pas à son premier coup d’essai dans le genre, mais c’est bien l’Étrange Créature du Lac Noir qui lancera sa carrière remplie de monstres (Tarantula !) et de science-fiction dangereuse (l’Homme qui rétrécit). Il fait preuve d’une véritable maîtrise technique mais aussi de son récit dans laquelle la tension monte (les apparitions de la créature se font petit à petit) et l’ambiguïté des sentiments du monstre est bien traitée. Bien sûr, comme ces films d’époque le jeu des acteurs est parfois forcé mais cela à son charme et l’orientation romantique du monstre fera toujours ressortir le film du carcan des séries Z fauchées.
Contrairement à la légende populaire, La Créature du Lac Noir n’est pas le premier film en 3D (cet honneur revient à Bwana Devil) mais il est bien celui qui l’a popularisé pour contrer la concurrence toujours plus accrue de la télévision. Jack Arnold utilise à peu de choses près le même procédé qui est utilisé et perfectionné aujourd’hui et offre à son film une belle profondeur de champs pour nous immerger dans la jungle et quelques jaillissements de la créature qui font leur effet. Mais son utilisation donne surtout aux séquences sous-marine une véritable valeur. Ici on plonge vraiment avec les acteurs dans ce lagon où la créature guette derrière les algues. Malheureusement les techniques de projection de l’époque n’étaient pas celles d’aujourd’hui et ces subtilités sont passées à la trappes pour mieux ressurgir aujourd’hui.
Présenté aujourd’hui dans une superbe copie avec une 3D impeccable, l’Étrange Créature du Lac Noir a donc tout le charme désuet des monstres Universal qui a été perdu avec le temps et que l’on prend plaisir à retrouver et si elle est aujourd’hui moins populaire que d’autres monstres, elle garde tout de même sa place parmi celles qui ont assez changé une facette du cinéma pour rester culte. Ce n’est pas pour rien qu’elle berce encore l’imaginaire de réalisateurs comme Tim Burton ou même Steven Spielberg.