Faut-il manifester contre le projet ou bien le soutenir ? C’est l’alternative devant laquelle se trouve le citoyen moyen : d’un côté les riverains, les agriculteurs, les militants, qui résistent face aux pelleteuses et aux matraques. De l’autre, le visage fermé d’Ayrault et la raison d’Etat.
Le sujet mériterait cependant un vrai débat, et des positions plus nuancées.
Le Comptoir s’interroge sur trois points.
1. Quel est l’impact économique attendu du nouvel aéroport ?
Nantes a son aéroport, Rennes a son aéroport, ils seront remplacés par un aéroport unique, plus grand, plus moderne. Ce nouvel équipement est-il de nature à renforcer le rayonnement économique des deux agglomérations ? A les aider à devenir plus visibles, plus attractives à l’échelle européenne ? Sachant que la proximité des aéroports franciliens limitera forcément le développement de Notre Dame des Landes, et que l’amélioration à venir du réseau TGV (de Paris vers la Bretagne, et sur l’axe Atlantique) renforcera la concurrence du train… la réponse à la question est tout sauf évidente.
2. Quel impact environnemental ?
Là encore, la réponse à cette question est autrement plus complexe que ce que voudraient nous faire croire les opposants au projet.
Dans les impacts négatifs : la consommation de terres agricoles, la destruction de zones humides, les impacts temporaires du chantier (extraction de matériaux, trafic poids lourds…), l’éventuel surcroît de trafic aérien donc de pollution.
Dans les impacts positifs : l’amélioration de l’accessibilité routière à l’aéroport et la baisse du trafic routier à Nantes et Rennes, la « libération » des 500 hectares de l’aéroport actuel de Nantes (qui permettront d’envisager un projet urbain d’envergure proche du centre, et donc de réduire d’autant la pression urbaine sur les espaces agricoles), la diminution du nombre d’habitants exposés à des risques (les avions ne survoleront plus à basse altitude des zones densément peuplées).
On pourrait encore allonger considérablement les deux listes. Ce qui est certain, c’est que les impacts environnementaux sont très complexes, et ne peuvent se résumer à aéroport = pollution.
3. Le projet d’aéroport et la transition énergétique de la France
Comment se situe ce projet d’aéroport au sein du grand chantier de transition énergétique nationale ? On aimerait que le gouvernement soit clair là-dessus : doter l’Ouest d’un aéroport de grande envergure est-il cohérent ou contradictoire avec cette stratégie ? Aura-t-on toujours besoin d’aéroports régionaux dans 25, 30, 50 ans, quand le prix du baril de pétrole aura doublé ? Les investissements publics en faveur de cet aéroport ne pénalisent-ils pas d’autres projets, comme par exemple les LGV, le métro automatique du Grand Paris ou le canal Seine-Nord Europe ? Faute d’explication claire du gouvernement, on a le sentiment que la transition énergétique reste une incantation un peu vague, qui ne résiste pas aux lobbies classiques des pétroliers, des industriels… et des élus locaux, surtout quand ils se retrouvent à Matignon.
Aujourd’hui, les riverains et les agriculteurs jouent leur rôle en s’opposant.
Mais les élus Verts ? Peuvent-ils se contenter de relayer le discours simpliste et caricatural des associations de protection de l’environnement ? Ne pourraient-ils pas élever le débat en montrant que l’écologie est un sujet complexe, qui articule différentes dimensions parfois contradictoires ? Ils y gagneraient en crédibilité, ce qui peut être utile s’ils veulent démontrer leur capacité à être aux responsabilités.
Et le gouvernement ! Quelle communication désastreuse… On ne retient que deux idées : 1. Les procédures officielles ont été respectées, donc quelques manifestations ne vont rien y changer. 2. C’est le bébé d’Ayrault, donc pas question de le fragiliser en revenant sur le projet.
C’est tout ? Et si, au lieu de prendre les citoyens pour des imbéciles, on leur expliquait la complexité des enjeux, les contradictions devant lesquelles on se trouve, les arbitrages qu’on a dû faire… est-ce qu’on ne contribuerait pas à rapprocher le politique du citoyen ? A démontrer que la politique ce n’est pas que calculs et magouilles, mais aussi des choix difficiles ? Que l’intérêt général n’est pas toujours synonyme de bon sens populaire ?