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Le bourgeois gentilhomme - MOLIERE au théâtre

Par Liliba

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    Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour...

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Nous avons eu la chance récemment d’assister à la représentation de la pièce Le Bourgeois gentilhomme de Molière et Jean-Baptiste Lully, mise en scène par Catherine Hiegel, avec François Morel dans le rôle de Monsieur Jourdain. 

Je ne peux que vous conseiller de filer au plus vite voir ce sublime spectacle s’il passe dans votre région ! En effet, François Morel se fond dans le rôle avec une vivacité étonnante, et est aussi drôle qu’émouvant, jouant à merveille ce bourgeois un peu benêt dont tous se moquent, qui veut se propulser par ses manières au rang des « grands » et devenir ainsi un gentilhomme. Il est tout à fait ridicule, mais vraiment touchant dans sa candeur et on rit autant de lui qu’avec lui. Monsieur Jourdain semble découvrir la vie, la musique et le ballet, ainsi que l’art du maniement des armes, et se mêle même de philosophie. Il apprend à parler correctement pour séduire sa belle marquise, ne comprend pas qu’on se gausse, et est d’une naïveté incroyable.

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Les mimiques de François Morel servent le texte à la perfection, de même que tous les acteurs qui l’entourent, excellents ! Le fou rire de la servante découvrant Jourdain dans son costume a entrainé toute la salle, et nous avons adoré également les prestations des autres acteurs. Les deux précieux, le musicien et le danseur sont criants de pédanterie, de même que Dorante qui loue Monsieur Jourdain et le couvre de compliments tout en puisant sans vergogne dans sa bourse. Malheureusement, les remontrances et la lucidité de Madame Jourdain n’empêcheront pas son époux de se rendre totalement ridicule lorsqu’il se fait introniser grand Mamamouchi, persuadé d’avoir atteint un honneur suprême, alors qu’il est le dindon d’une farce à laquelle il ne comprend rien. Mais même moqué, Monsieur Jourdain, alias François Morel, reste étonnamment attendrissant, puisqu’il garde comme une âme d’enfant, prête à s’émerveiller sans chercher l’entourloupe.

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Au début de la pièce, l’acteur est superbe dans sa robe de chambre d'Indienne, et totalement ridicule ensuite dans son costume d’apparat cousu sur mesure, mais les autres acteurs de cette pièce jubilatoire ne sont pas en reste. Les costumes sont tous magnifiques, les maquillages très amusants et réussis et on se régale de bout en bout de ce moment de grand théâtre.

Cette comédie de Molière est jouée comme sans doute autrefois, et termine en grosse farce. On y retrouve des morceaux musicaux et des ballets et la pièce est d’une étonnante modernité, bien que le texte ait été écrit en 1670 !  Danseurs, chanteurs et musiciens sont intégrés complètement au spectacle et lui donnent rythme et allégresse, et une gaité qui se propage rapidement dans le public, conquis.

 

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Mise en scène : Catherine Hiegel

Décor : Goury

Costumes : Patrice Cauchetier

Lumières : Dominique Borrini

Chorégraphie : Cécile Bon

Direction musicale : Benjamin Perrot

Assistante à la mise en scène : Natacha Garange

Coiffures et maquillages : Véronique Soulier-Nguyen

Avec : François Morel et une troupe de vingt-neuf comédiens, musiciens, danseurs, chanteurs et techniciens.

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Un spectacle vu au Colisée de Roubaix. Merci B !!!

La vidéo de bande annonce sur Youtube.

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Maître de philosophie, Monsieur Jourdain

[...]

Maître de philosophie : Que voulez-vous donc que je vous apprenne ?

Monsieur Jourdain : Apprenez-moi l’orthographe.

Maître de philosophie : Très volontiers.

Monsieur Jourdain : Après vous m’apprendrez l’almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n’y en a point.

Maître de philosophie : Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer selon l’ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j’ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles parce qu’elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi appelées consonnes parce qu’elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les diverses articulations des voix. Il y a cinq voyelles ou voix : A, E, I, O, U.

Monsieur Jourdain : J’entends tout cela.

Maître de philosophie : La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A.

Monsieur Jourdain : A, A. Oui.

Maître de philosophie : La voix E se forme en rapprochant la mâchoire d’en bas de celle d’en haut : A, E.

Monsieur Jourdain : A, E, A, E. Ma foi ! oui. Ah ! que cela est beau !

Maître de philosophie : Et la voix I en rapprochant encore davantage les mâchoires l’une de l’autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I.

Monsieur Jourdain : A, E, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science !

Maître de philosophie : La voix O se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas : O.

Monsieur Jourdain : O, O. Il n’y a rien de plus juste. A, E, I, O, I, O. Cela est admirable ! I, O, I, O.

Maître de philosophie : L’ouverture de la bouche fait justement comme un petit rond qui représente un O.

Monsieur Jourdain : O, O, O. Vous avez raison, O. Ah ! la belle chose, que de savoir quelque chose !

Maître de philosophie : La voix U se forme en rapprochant les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors, les approchant aussi l’une de l’autre sans les rejoindre tout à fait : U.

Monsieur Jourdain : U, U. Il n’y a rien de plus véritable : U.

Maître de philosophie : Vos deux lèvres s’allongent comme si vous faisiez la moue : d’où vient que si vous la voulez faire à quelqu’un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que : U.

Monsieur Jourdain : U, U. Cela est vrai. Ah ! que n’ai-je étudié plus tôt, pour savoir tout cela ?

Maître de philosophie : Demain, nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes.

Monsieur Jourdain : Est-ce qu’il y a des choses aussi curieuses qu’à celles-ci ?

Maître de philosophie : Sans doute. La consonne D, par exemple, se prononce en donnant du bout de la langue au-dessus des dents d’en haut ! Da.

Monsieur Jourdain : Da, da. Oui. Ah ! les belles choses ! les belles choses !

Maître de philosophie : L’F en appuyant les dents d’en haut sur la lèvre de dessous : Fa.

Monsieur Jourdain : Fa, fa. C’est la vérité. Ah ! mon père et ma mère, que je vous veux de mal !

Maître de philosophie: Et l’R, en portant le bout de la langue jusqu’au haut du palais, de sorte qu’étant frôlée par l’air qui sort avec force, elle lui cède, et revient toujours au même endroit, faisant une manière de tremblement : Rra.

Monsieur Jourdain : R, r, ra,  R, r, r, r, r, ra. Cela est vrai. Ah ! l’habile homme que vous êtes ! et que j’ai perdu de temps ! R, r, r, ra.

Maître de philosophie : Je vous expliquerai à fond toutes ces curiosités.

Monsieur Jourdain : Je vous en prie. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser tomber à ses pieds.

Maître de philosophie : Fort bien.

Monsieur Jourdain : Cela sera galant, oui ?

Maître de philosophie : Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?

Monsieur Jourdain : Non, non, point de vers.

Maître de philosophie : Vous ne voulez que de la prose ?

Monsieur Jourdain : Non, je ne veux ni prose ni vers.

Maître de philosophie : Il faut bien que ce soit l’un ou l’autre.

Monsieur Jourdain : Pourquoi ?

Maître de philosophie : Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose ou les vers.

Monsieur Jourdain : Il n’y a que la prose ou les vers ?

Maître de philosophie : Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui n’est point vers est prose.

Monsieur Jourdain : Et comme l’on parle, qu’est-ce que c’est donc que cela ?

Maître de philosophie : De la prose.

Monsieur Jourdain : Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?

Maître de philosophie : Oui, Monsieur.

Monsieur Jourdain : Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour  ; mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.

Maître de philosophie : Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un…

Monsieur Jourdain : Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.

Maître de philosophie : Il faut bien étendre un peu la chose.

Monsieur Jourdain : Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode ; bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.

Maître de philosophie : On les peut mettre premièrement comme vous avez dit. Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.

Monsieur Jourdain : Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?

Maître de philosophie: Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.

Monsieur Jourdain : Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon cœur, et vous prie de venir demain de bonne heure.

Maître de philosophie : Je n’y manquerai pas.

Monsieur Jourdain à son laquais : Comment ? mon habit n’est point encore arrivé ?

Second laquais : Non, Monsieur.

Monsieur Jourdain : Ce maudit tailleur me fait bien attendre pour un jour où j’ai tant d’affaires. J’enrage. Que la fièvre quartaine puisse serrer bien fort le bourreau de tailleur ! Au diable le tailleur ! La peste étouffe le tailleur ! Si je le tenais maintenant, ce tailleur détestable, ce chien de tailleur-là, ce traître de tailleur, je…

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