70 000 milliards de dollars dans le « shadow banking »: la finance occulte et la guerre qui va avec

Publié le 20 novembre 2012 par Eldon

© Inconnu

Ce sont deux nouvelles effarantes et impressionnantes qui viennent de tomber. Elles démontrent la folie et l’aberration du système économique et financier ultra-libéral.

Nous avons vu comment malgré la prétendue crise,  l’UE et les entreprises sont gavées d’argent: 335 milliard pour l’UE et 663 milliards pour les grandes multinationales ( dont 18,3 rien que pour GDF-Suez) placés dans des obligations, à l’abri et non réinvestis dans l’économie.

Ces sommes pourtant ne sont rien en rapport des 70 000 milliards de dollars qui se baladent dans le « shadow banking »  (finance de l’ombre). Oui, il n’y a pas d’erreur, 70 000 milliards de dollars . Le Shadow Banking siphonne l’économie réelle en détournant délibérément l’argent du circuit traditionnel qui lui est surveillé et taxé. La crise? Mais où est la crise?

Parallèlement à ça, des gourous de la finance mettent en garde contre le risque d’une troisième guerre mondiale vers laquelle la crise peut jeter le Monde très rapidement. Certains même y croient fortement.

La pêche à la ligne. On appâte, on ferre et on jette les poissons pris dans le panier où ils se débattront et se battront entre eux pour survivre. Mission accomplie. On reviendra demain, ça mord bien ici.

Qu’est-ce que le « shadow banking »?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le système bancaire est réglementé, même si la Commission européenne parle dans son livre vert de mars 2012 de « lacunes réglementaires, inefficacité de la surveillance, opacité des marchés, trop grandes complexités des produits ».

Toujours est-il que les différentes réglementations bancaires (Bâle 1, Bâle 2, bientôt Bâle 3) ne conviennent pas aux banques, aux gros détenteurs de capitaux, aux mafias et crimes organisés également, qui de ce fait ont mis en place des systèmes parallèles. Le « shadow banking » est donc une activité de banque, menée par des entités  qui ne recevant pas des dépôts ne sont pas régulées en tant que banques et donc ne sont pas soumises à la réglementation bancaire.

Marc Roche, expert financier au Monde, auteur de l’ouvrage «Le capitalisme hors la loi» estime dans une longue interview accordée au Monde que « … la place   de ce que j’appelle le « capitalisme hors la loi », c’est-à-dire non réglementé, est désormais supérieure au poids de la sphère financière régulée et transparente. La crise des crédits à risque   subprimes de 2008-2009 a accentué le poids de cette économie souterraine, puisque ses acteurs ont pu compenser leurs pertes et garder leurs profits grâce au recours à cette finance parallèle,   légale, mais profondément immorale : conflits d’intérêts, évasion fiscale, risques systémiques, impunité et âpreté aux gains. Le recours aux paradis fiscaux, aux hors-bilans, aux sociétés offshore, à l’optimisation fiscale, aux liens étroits tissés avec les politiques ont   contribué à la crise de 2008-2009 comme à celle de la dette souveraine de nos jours. »

La finance de l’ombre est donc alimentée par  les hors bilan, les paradis fiscaux, les sociétés offshore,  l’évasion fiscale, les mafias de la drogue et du sexe, les dictateurs en place ou déchus, la corruption des politiques et industriels, les hedge-funds, des caisses de retraites, des grandes institutions détenant une trésorerie importante, les assureurs, les OPCVM monétaires, la titrisation des qui consiste à transformer des créances (en fait des dettes, des factures ou des crédits) en titres financiers émis sur le marchés des capitaux (en gros, vendre des produits financiers ne valant rien à prix d’or à des gogos qui sont toujours les petits épargnants).

En 2008, le montant de cette finance était estimé à 10 000 milliards de dollars. Dans son dernier rapport, le Conseil de stabilité financière (FSB) s’alarme du développement de la finance de l’ombre. Celle-ci représenterait 67.000 milliards de dollars, soit 33,5 fois le PIB de la France, 90% des actifs mondiaux.

Les pays où la part du « shadow banking » est la plus importante par rapport au Produit intérieur brut (PIB) est la plus élevée sont Hong-Kong (520%), les Pays-Bas (490%), le Royaume-Uni (370%), Singapour (260%) et la Suisse (210%)

Cette finance folle va au demeurant tuer les banques traditionnelles, réduire la masse salariale pour favoriser les traders  ou autres spécialistes financiers. A ce jour,  le crédit bancaire aux entreprises représente 15% du PIB aux USA pour 90% dans la zone euro mais jusqu’à quand? Selon Patrick Artuis,  » Aujourd’hui, avec la hausse du coût de leurs ressources (des entreprises, ndrl), avec les nouvelles règles prudentielles, le financement par crédit bancaire n’est plus compétitif. Si cette situation dure, il n’y aura pas d’autre solution que de désintermédier (ne plus recourir aux banques, ndrl) le financement des entreprises de la zone euro : soit par des véhicules de titrisation, comme c’était le cas pour les crédits immobiliers avant la crise aux Etats-Unis ; soit par le marché des obligations high-yield (à haut rendement mais risquées, ndrl) , comme aux Etats-Unis. Est-on prêt en Europe à accepter les conséquences du basculement vers ce modèle de financement désintermédié des entreprises ? Il faut se rendre compte de ce que, dans les récessions, le modèle de financement en obligations high-yield a des effets beaucoup plus défavorables aux entreprises que le modèle de financement bancaire : le marché se ferme, les spreads (écart de taux entre une obligation émise par un organisme et un emprunt d’Etat théorique, ndrl) deviennent gigantesques ; en conséquence, les taux de défaut des entreprises se finançant en high-yield sont énormes dans les récessions aux Etats-Unis alors que les banques européennes ont des réactions beaucoup moins violentes. Le retour de la titrisation, enfin, devrait évidemment inquiéter les autorités européennes ».

Les autorités européennes inquiètes? Non ça va, pas trop. Se contentent de publier des rapports et des « livres verts ». Le MEDEF, défenseur attitré des entreprises dont les PME? Il insiste sur le fait que le terme «Shadow banking» est un terme à «abolir» et préfère le terme plus soft et respectable de «finance non régulée», alors que la menace pour les PME est énorme.

Ce sont donc près de 70 000 milliards de dollars (beaucoup plus selon Marc Roche) qui sont confisqués à l’économie réelle, aux investissements, aux services publics, aux salariés, aux PME, à la recherche, à la santé et protection sociale, …

La crise? Elle n’est que la résultante de cette pratique dont les responsables ne sont pas poursuivis alors que les peuples sont ruinés et affamés. La crise des « subprimes » dont Goldman Sach’s est le symbole, n’est que la partie émergée de l’iceberg de cette vaste trafic financier, véritable crime économique.

Des gourous annoncent une guerre prochaine

« Des milliers de milliards de dollars de dettes seront restructurés et des millions d’épargnants prudents vont perdre des pourcentages importants de leur pouvoir d’achat réel exactement au pire moment de leur vie. Cette fois-ci encore, ce ne sera pas la fin du monde, mais le tissu social des nations dépensières sera étiré et dans certains cas il se déchirera. Il est triste de constater que bien trop souvent dans l’histoire économique, la guerre a toujours été la conclusion logique de la dynamique du chaos économique. Nous pensons que la guerre est une conséquence inévitable de la situation économique mondiale actuelle », écrit Kyle Bass, un investisseur américain qui parie sur l’effondrement des pays d’Europe, cité par le blog financier américain Zero Hedge.

Il n’est pas le seul.

Larry Edelson, un gourou de la bourse américaine, prophétise lui aussi la guerre. Il y explique qu’il a étudié depuis une trentaine d’années les « cycles de guerre », c’est-à-dire, les cycles qui prédisposent les sociétés à entrer dans le chaos et la haine, qui aboutissent à des guerres civiles et des guerres internationales. « Je ne suis probablement pas le premier à examiner ces modèles très distinctifs dans l’histoire. Il y en a eu d’autres avant moi, Raymond Wheeler en particulier, qui a publié la chronique qui fait le plus autorité en matière de guerre, et qui couvre une période de 2.600 années de données. Toutefois, très peu de personnes sont disposées à discuter de ce problème de nos jours. Et si je me base sur ce que je vois, les implications pourraient être absolument énormes pour 2013 ».

Charles Nenner, un analyste de Goldman Sachs réputé pour la justesse de certaines de ses prévisions, prédit quant à lui une « guerre majeure qui devrait débuter à la fin de 2012 jusqu’en 2013 ».

Quant à Jim Rogers, un autre investisseur américain influent, pense aussi qu’il pourrait y avoir une guerre. « Une poursuite des plans de sauvetage en Europe pourrait aboutir à déclencher une autre guerre mondiale », a-t-il affirmé. « Ajoutez de la dette, la situation empire, puis c’est l’effondrement. A ce moment-là, tout le monde recherchera un bouc émissaire. Les politiciens accusent les étrangers, et nous revoilà dans la seconde guerre mondiale, ou une guerre mondiale de toute façon », explique-t-il.

Bon ben voilà. Des acteurs du système décrit plus haut s’alarment des conséquences de leur propre turpitude, sans pour autant remettre en question leurs pratiques, dénoncer un système qui est allé trop loin, s’indigner des dérives, alerter les politiques, faire marche arrière, se contenter des fortunes amassées, suffisantes pour faire vivre leur descendance jusqu’à la fin des temps.

Espérons qu’ils se trompent et que les politiques réagirons à temps. Reconnaissons que l’Histoire leur donne raison.

La messe serait-elle dite?

Sources:

- « Shadow banking »: L’Expansion - Médiapart

- Les Gourous de la bourse: Express.be ( par  Les Moutons enragés)

A télécharger:

- Livre vert Commission européenne

- Le financement des entreprise de la zone euro

Pour aller plus loin:

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