Alors que le vote des adhérents aurait dû aboutir à la fin de la rivalité Fillon/Copé, l’UMP se découvre avec deux
présidents autoproclamés et des contestations d’irrégularités mutuellement dénoncées. Le suspens reste entier.
C’est le scénario catastrophe qui s’est produit dans la soirée de ce dimanche 18 novembre
2012 au sein de l’UMP à l’occasion de l’élection du président de cette formation. Pourtant, la journée s’était annoncée plutôt positive pour les différents élus UMP : une forte participation
a eu lieu, malgré le mauvais temps, dans toute la France, de l’ordre de 60%, confirmant une fois de plus, après la primaire socialiste d’octobre 2011, que les militants politiques voulaient décider par eux-mêmes de l’avenir politique de leur parti.
Forte mobilisation
Rançon du succès, le faible nombre de bureaux de vote (650 sur toute la France) a obligé des milliers de
votants d’attendre leur tour parfois plus de deux heures dehors. L’ancien Premier Ministre et candidat François Fillon a lui-même attendu pendant une heure et demi comme un simple militant dans son bureau de vote du 7e arrondissement. Conséquence directe, les opérations
devant se dérouler de 9h00 à 18h00 se sont prolongées parfois jusqu’à 20h00 pour permettre à tous les présents de voter.
Donc, à l’origine, cette forte mobilisation (peu prévisible et mal anticipée en terme d’organisation) a été
un signal plutôt positif pour la principale formation de l’opposition. Mais la soirée a vite viré au cauchemar.
Résultats très serrés
Premier acquis : le scrutin allait être très serré. De
l’ordre de quelques centaines de voix sur l’ensemble des votants dont le nombre total doit s’approcher des deux cent mille. Le simple fait que ce scrutin soit serré était déjà une grande victoire
pour l’outsider, le secrétaire général sortant Jean-François Copé que les sondages donnaient largement
perdant (de l’ordre d’un tiers/deux tiers).
Pire : les exégètes politiques considéraient que plus la participation était élevée, plus le score de
François Fillon serait élevé. Il se trouve que c’est exactement l’inverse qui s’est réalisé : la forte mobilisation a au contraire favorisé Jean-François Copé.
Tricheries mutuellement dénoncées
Au fil des décomptes du début de soirée, Jean-François Copé bénéficiait d’une légère avance. Cela ne l’a pas
empêché d’attaquer le camp d’en face en dénonçant fermement des fraudes dans certains bureaux de vote, en particulier dans la 1e circonscription des Alpes-Maritimes, celle d’Éric
Ciotti qui est le directeur de campagne de François Fillon.
Le camp Fillon a alors riposté aussitôt en dénonçant des fraudes tant à
Neuilly-sur-Seine qu’à Toulouse, dans le Gers, le Gard, l’Oise, la Seine-et-Marne, les Bouches-du-Rhône.
Et il est vrai que l’analyse des premiers résultats montrent que les adhérents ont choisi majoritairement le
même camp que les élus de leur circonscription. Ce qui peut se comprendre au niveau local, les élus ayant une forte influence dans la vie des partis.
Conquête à l’arraché ?
Il est clair que les tentatives d’intimidation, de bluff, de mensonges, de fraudes ont été monnaies courantes
de cette soirée de part et d’autres. Résultat détestable sur ces militants qui avaient cru cautionner une opération démocratique mais qui se sont trouvés piégés dans un tourbillon qui tourne à
l’aigre.
Puis, à 23h30, c’est la course à la déclaration. Jean-François Copé est parvenu à s’exprimer le premier …pour
revendiquer sa victoire avec 1 058 voix d’avance. Il a fait sa déclaration comme si les jeux étaient faits et qu’il avait gagné. Or, à cet instant, la Commission d’organisation et de
contrôle des opérations électorales (COCOE) de l’UMP, présidée par le sénateur Patrice Gélard, n’avait validé que les résultats de 17 départements en tout et pour tout.
À 23h48, ce fut au tour de François Fillon de s’exprimer en revendiquant lui aussi sa victoire avec 224 voix
d’avance et en dénonçant le triomphalisme de Jean-François Copé. Contrairement à ce dernier, l’équipe Fillon n’a pas du tout affirmé clairement qu’elle avait gagné mais a estimé que la COCOE
validerait forcément leurs décomptes.
À 3h00 du matin, la situation n’avait guère évolué : 508 voix d’avance du côté Copé, 229 voix d’avance
du côté Fillon.
Il est indéniable que Jean-François Copé a pris ses adversaires de court par le bluff, celui de faire croire
qu’il a gagné pour réussir la bataille psychologique de la soirée. Jean-François Copé connaît très bien les méthodes qui marchent pour contrôler un appareil. À l’aide de Charles Pasqua, Jacques Chirac
avait réussi la même chose sur les vieux barons du gaullisme le 14 décembre 1974 pour conquérir le secrétariat général de l’UDR. Le bluff est un procédé qui fonctionne souvent car il donne une
dynamique. L’équipe Fillon a cependant essayé de l’enrayer tout en dénonçant les désinformations sur les supposées fraudes à Nice.
Un scrutin pourtant organisé pour qu’il soit sans tâche
Ces contestations mutuelles sur certains bureaux de vote sont d’autant plus troublantes que chaque bureau de
vote était présidé et vice-présidé par un membre de chacune des deux équipes, et qu’un huissier était présent pour dresser un procès verbal sur ce qu’il s’est réellement passé et les éventuelles
irrégularités (les huissiers sont assermentés, et sans doute que cette profession va avoir de beaux jours devant elle avec la multiplication des primaires). A priori, les décomptes n’auraient pas
dû faire l’objet de contestations d’une manière ou d’une autre.
En clair, ces militants qui se sont déplacés en masse par souci de s’impliquer dans la vie interne de leur
parti auront des raisons de se sentir floués par cette gestion désastreuse des résultats. Le FN se frotte
déjà les mains, et François Hollande aussi qui craignait connaître dès ce dimanche soir son futur opposant pour le second tour de l’élection
présidentielle de 2017. Visiblement, il y aura encore du boulot à l’UMP avant d’arriver à trouver un leader crédible et solide.
La droitisation a fonctionné
Le pire, sans doute, c’est que dans tous les cas, qu’il ait effectivement gagné ou qu’il ait perdu,
Jean-François Copé a réussi à rassembler la moitié de l’UMP sur des thèmes très droitiers qui ne correspondent absolument pas à ce que souhaite la majorité des électeurs de l’UMP (dont la plupart
ne sont pas encartés et donc ne pouvaient pas voter ce dimanche).
Y a-t-il un risque de scission ? D’un point de vue idéologique, elle ne correspondrait à rien et elle
serait désastreuse d’un point de vue électoral. Cependant, il faudra observer attentivement comment se passeront les prochains jours, si la COCOE proclame un vainqueur, quelle sera la réaction du
vaincu déclaré. Lâchera-t-il l’affaire ou, comme le dit si fermement François Fillon, ne lâchera-t-il rien pour ne pas voler aux militants leur victoire ?
(Débat entre Valérie Pécresse et Franck Riester sur BFM-TV)
Le scénario ne pouvait donc pas être pire, tant dans les résultats étonnants (forte mobilisation et scores
ultra-serrés) que dans la réaction des deux candidats où leur seconds couteaux ont été particulièrement tranchants (Luc Chatel, Rachida Dati, Marc-Philippe Daubresse, Guillaume Peltier, Franck Riester pour l’équipe Copé ; Christian Estrosi, Bernard Debré, Valérie Pécresse, Éric Ciotti, Jérôme
Chartier pour l’équipe Fillon).
Un congrès de Reims… à droite
Comme par coïncidence, ce vote de l’UMP du 18 novembre 2012 rappelle étrangement le vote des militants
socialistes au congrès de Reims le 21 novembre 2008 où une quasi-égalité s’était retrouvée dans le duel entre
Ségolène Royal et Martine Aubry, cette dernière avec 42 voix d’avance sur un total de 137 116 votants. Finalement, 102 voix d’avance avaient été officiellement attribuées à Martine Aubry le 25
novembre 2008 par le conseil national du PS (approuvant à 159 voix contre 76 et 2 abstentions).
Les esprits les plus perspicaces de l’UMP laissaient déjà entendre que la lutte fratricide de Reims n’avait
pas empêché la victoire du candidat socialiste à l’élection présidentielle suivante, mais Bernard Sananès, patron de CSA depuis décembre 2010, a opportunément rappelé sur BFM-TV que justement,
aucune des deux "belligérantes" de 2008 n’avait pu finalement être la candidate du PS en 2012.
Morne plaine
Il est clair que le 18 novembre 2012, les deux candidats à la présidence de l’UMP ont réussi à faire d’une
journée qui leur avait été très favorable, avec une grande participation de leurs militants, et un vent démocratique indéniable, un jour particulièrement noir qui s'est transformé en mascarade ou
en vaudeville avec une fracture qui sera probablement plus dure à réparer qu’au PS il y a quatre ans. Le FN, le PS et peut-être aussi l’UDI pourraient être les premiers bénéficiaires de cette véritable faute de communication politique (que
j’impute particulièrement à l’audace et à la précipitation de Jean-François Copé).
Les réactions des internautes sont d’ailleurs très acides puisque certains se sont amusés à coupler cette
actualité avec le mariage pour les couples homosexuels en parlant de deux papas pour l’UMP !
La dernier mot reviendra de toute façon à l’instance statutaire chargée d’arbitrer et d’annoncer les
résultats. Les heures vont être encore longues avant d’envoyer la fumée blanche…
Aussi sur le
blog.
Sylvain
Rakotoarison (19 novembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François
Fillon.
Jean-François Copé.
La désarkozysation de l’UMP.
Fillon vs
Copé.
Nicolas
Sarkozy.
Jacques Chirac.
Un sérieux rival pour l’UMP ?
Le débat
télévisé entre Copé et Fillon (25 octobre 2012).
Un pouvoir socialiste aux abois.
Choc de rivalité entre Copé et Fillon.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-ump-refait-le-coup-du-congres-de-126078