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Dracula au Pakistan (Zinda Laash/ The Living Corpse - Khwaja Sarfraz, 1967)

Par Doorama
Dracula au Pakistan (Zinda Laash/ The Living Corpse - Khwaja Sarfraz, 1967) Le docteur Tabani met au point une potion pour vaincre la mort, mais le prix de son immortalité sera de devenir le prince des ténèbres, il devient alors un redoutable vampire assoiffé de sang !
Le Pakistan ou l'autre berceau des vampires... Fort de notre parfaite connaissance du cinéma pakistanais, nous nous sommes précipités vers cette exotique et plutôt fidèle adaptation du roman de Bram Stoker, made in Lollywood (pas de LOL ici, mais plutôt la contraction de Lahore et Hollywood, comme le proche voisin Bollywood contracte lui aussi Bombay et Hollywood...). Exotisme et assimilation des codes occidentaux sont au programme du premier film d'horreur de l'histoire du cinéma pakistanais... Danses et chants en prime !
On retrouve tout ce que l'on connait du mythe de Dracula, et même si les noms changent, ce Dracula au Pakistan se révèle presque passionnant, véritable perle pour tout amateur un tant soit peu curieux de cinéma d'ailleurs. Le château devient un petit palais de maharaja abandonné, Dracula devient le Dr Tabani, Johnathan Harker devient Dr. Aquil Harker, Van Helsing le chasseur de vampire est le frère d'Aquil et Mina Harker devient Shabnam, l'objectif féminin du prince des ténèbres... Passé à la moulinette du filtre local afin d'être compréhensible de son public, Dracula au Pakistan n'est plus cette créature légendaire, mais le fruit d'une expérience scientifique qui a mal tourné. Le film débute sur une explication qui explique bien que la science qui va à l'encontre des préceptes de la vie risque fort de mener dans le mur : première adaptation du mythe à la culture locale par cet avertissement destiné à mieux cohabiter avec la  religion en vigueur. C'est en cela que Dracula est Pakistan est passionnant, plus qu'une histoire usée, il nous permet de découvrir une culture ! Et croyez nous, une femme vampire ne séduira pas sa victime masculine par ses rondeur ou la générosité de ses pare-chocs, mais plutôt par une danse lascive que l'absence de repères culturels pour décrypter ses mouvements déclenchera un exotisme rigolo, proche du ridicule, chez le non initié occidental ! On adore ce décalage de repères culturels !
Autre différence majeure avec le cinéma auquel nous sommes habitués : là où l'action commence pour nous, elle se termine pour le spectateur pakistanais ! Après dix minutes de préparation à la scène de la morsure du vampire, là où nous sommes récompensé par le sang et la matérialisation de l'horreur attendue, Dracula au Pakistan stoppe sa scène à 3 centimètres du cou et (vite !) enchaîne sur une scène plus légère pour évacuer toute cette tension : place à une scène de danse ou une chanson festive et joyeuse ! Du coup Dracula au Pakistan ressemble à un film censuré et amputé de ses scènes clés, dont il ne resterait que les transitions entre ses scènes d'action. L'exotisme est total dans ce Dracula, son langage cinématographique nous surprend sans cesse !Les inserts de la peinture de la chauve-souris et de celle du corbeau qui entrecoupent le long plan sur l'acteur qui découvre l'étrangeté du lieu, s'accompagnent de "Tadaaa..." musicaux tonitruands ! Ce qui en 1967 effrayait le spectateur pakistanais ne fonctionnait déjà plus depuis longtemps chez nous... Passionnant, instructif et délicieusement kitch !
Dracula au Pakistan (Zinda Laash/ The Living Corpse - Khwaja Sarfraz, 1967)Dracula au Pakistan (Zinda Laash/ The Living Corpse - Khwaja Sarfraz, 1967)
Loin de nous l'idée de nous moquer d'un cinéma différent, dont les codes nous échappent en grande partie, un cinéma simplement à un autre stade de sa construction, Dracula au Pakistan apporte au spectateur européen son lot de scènes drôles ou déstabilisantes. A commencer pas son illustration musicale. La voiture qui fend la nuit s'accompagne d'un La Cucaracha joyeux, jazzy et riche de cordes et de cuivres... Notre réaction est immédiate : surprise et humour ! Le suspense et la peur dans une poursuite entre le frère du Dr. Aquil et Dracula (pardon... Tabani !) tourne au jeu de cache-cache enfantin autour d'un poteau à nos yeux vierges... Ses ambiances pesantes et ses trésors de mise en scène tournent à la surprise et à la stupeur pour nos yeux habitués à d'autres repères... Voir Dracula conduire une vieille voiture avec le volant à droite est un bonheur indicible... Considérer simplement ce Dracula au Pakistan comme un nanar ultime et fendard serait réducteur : c'est un voyage dans une autre culture, une stimulante redécouverte de notre cher mythe sanguinaire ! Nous y voyons même une bénéfique prise de distance (une remise en question ?) avec nos repères et critères trop souvent admis comme les "seuls valables". Nanar ultime, objet de curiosité, mais aussi puissant outils de relativisation, ce Dracula au Pakistan est un bonheur de cinéphile, instructif et rafraîchissant.
Dracula au Pakistan (Zinda Laash/ The Living Corpse - Khwaja Sarfraz, 1967)
Bach Films, éditeur spécialisé dans ces films "mineurs", de genres et/ou oubliés nous à permis de découvrir cet objet exotique. Cet éditeur propose un catalogue fascinant où se côtoient les pires choses, comme les plus précieuses ! Alors "avis au amateurs" les plus hardcores ou les plus téméraires, mais on voulait saluer l'initiative de cet éditeur si particulier, et si utile :

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