Les opposants au mariage gay manifestent aux quatre coins de la France, ce samedi après-midi. Indépendamment des questions de fond que soulève la question du mariage homosexuel, la manière dont le projet prend forme heurte les principes du libéralisme.
Par PA. Berryer
Ce 17 novembre c’est un jour de manifestation dans toute la France pour s’opposer au projet de "mariage pour tous" annoncé par la ministre de la Justice dans le journal La Croix. Il est également possible de consulter le projet qui a été diffusé par la presse. Indépendamment des questions de fond que soulève la question du mariage homosexuel, la manière dont le projet prend forme heurte les principes du libéralisme.
Aux origines était Hollande, un candidat normal pour une présidence du changement normal. C’est le 31ème de ses 60 engagements qui nous intéresse : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels ».
Le 6 mai François est élu et c’est le début de la fin. Le résultat de l’élection n’empêche nullement de discuter et contester le programme de Hollande, même si certains estiment qu’un vote signifie adhésion à la personne et ses choix.
Une demande partisane
Qui demande le mariage homosexuel ? On pourrait penser que ce sont d’abord et avant tout les homosexuels eux-mêmes. Ils souhaitent être traités comme les autres et demandent donc l’accès au mariage. On va retrouver les associations historiques du mouvement regroupées autour de l’inter-LGBT.
Il y a là un premier écueil, l’unanimité du mouvement est de façade. Je vous renvoie à Philippe Ariño ou à +gay sans mariage. Il n’est donc absolument pas évident que le mariage homosexuel soit une revendication de la communauté homo. Il ne faut pas prendre cet argument pour argent comptant.
L’autre groupe revendicatif est à chercher à gauche (bien que pas uniquement). Là encore l’unanimité n’est pas de mise comme le montrent les Poissons Roses ou Lionel Jospin. Vouloir agir de l’intérieur c’est bien mais il est à craindre que leurs voix soient étouffées.
Une demande minoritaire
Autre approche celle du nombre. Combien sont-ils (les homosexuels) ? Selon un récent sondage moins de 4% de la population. On nous propose de modifier une des institutions essentielles de notre société au profit de 4% de 65 millions de français, bref peanuts.
Un des principes sur lequel est fondé le droit en France est celui qui veut que la Loi doit être faite pour le général et non le particulier. C’est une des idée du Discours Préliminaire sur le Projet de Code Civil prononcé par Portalis : « L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d’établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. » Une loi faite pour un cadre particulier renvoie à la notion de Lex Privata (loi pour une chose privée) ce qui n’est rien d’autre que la définition du privilège d’Ancien Régime… Si on y regarde bien, ce projet de loi n’est au fond que la création d’un privilège. Cela peut paraître exagéré car en théorie ce qui est demandé est l’égalité de droit. Cependant, comme l’a très justement fait remarquer André Vingt-Trois, ce n’est pas le cadre actuel que l’on ouvre aux personnes homosexuelles mais c’est ce cadre que l’on transforme pour l’adapter à ces personnes. Des libéraux défendant des privilèges, on aura tout vu !
Majorité Vs Minorité
C’est à la relation majorité/minorité que nous renvoie ce débat sur le mariage gay. Cela a été très bien expliqué dans les Federalist Papers, diffusés lors des débats pour l’adoption ou non de la Constitution Américaine : les auteurs y expliquent que la Constitution doit être telle qu’elle ne puisse permettre à la majorité d’opprimer la minorité mais à l’inverse faire en sorte que la minorité ne puisse imposer ses volontés à la majorité. C’est le jeu des « check and balances », c’est-à-dire la mise en place de mécanismes limitant l’action d’un des pouvoirs afin qu’il ne puisse dévier de sa fonction (veto contre le Congrès ou impeachment contre le Président, recours à la forme fédérale). C’est un fait connu que la minorité est plus consciente de ses intérêts que la majorité et est donc plus motivée à les faire triompher. Le système doit donc aussi empêcher la dictature de la minorité tout comme il la protège de l’oppression de la majorité.
En l’espèce les lobbys gay sont conscients de ce qu’ils veulent alors que la majorité se moque de la question et a d’autres préoccupations en tête. En fait la situation est caricaturale. Nous sommes en présence d’une minorité (lobby gay) qui instrumentalise sa situation et cherche à utiliser l’État afin d’imposer sa conception, en l’espèce du mariage, à la majorité. Le tout dans une absence presque totale de débat. Quand une profession, un lobby quelconque, un mouvement plus ou moins minoritaire, fait la même démarche vous êtes les premiers à dénoncer la situation (comme par exemple la PAC). Aujourd’hui le lobby gay fait exactement la même chose et vous êtes un certain nombre à soutenir la démarche.
Qu’il puisse y avoir un débat de fond libéral sur la question c’est évident et je me pencherai là-dessus dans un autre article. Actuellement je constate une grosse incohérence sur la question. Quand un lobby utilise l’État pour parvenir à ses fins c’est mal si c’est une grosse entreprise qui obtient un amendement de complaisance mais c’est bien si ce sont les homosexuels qui demandent le mariage. Que l’on m’explique la différence.
Cuisine politique
Les libéraux cherchent à exister politiquement. Si l’on doit se placer sur un axe droite/gauche, les libéraux français sont centre/centre droit, même si je connais ce schéma. S’ils veulent arriver à exister, la stratégie la plus viable est de se construire comme un parti de centre droit et de concurrencer l’UMP par sa gauche. Ce qui s’est passé en Norvège est très éclairant sur ce point.
D’un point de vue de la stratégie politique, la défense du projet de loi actuelle ainsi que du mariage gay en général ne rapportera aucun vote, aucune reconnaissance aux libéraux. Les conservateurs et libéraux conservateurs, qui se cachent à droite et au centre droit, refuseront de se joindre à un parti défendant ce projet par conviction. Les libéraux de gauche trouveront cela inutile car ce projet est déjà porté au PS et à gauche. Au contraire cela pourrait repousser ceux qui à droite pourraient être tentés par le libéralisme.
Je ne demande pas aux libéraux qui sont favorables au mariage gay de renoncer à leur conviction, cependant, d’un point de vue de la diffusion des idées libérales, ce positionnement est au mieux improductif au pire très nuisible car il repousse ceux qui sont le plus proche de nous. Les étatistes progressistes auraient voulu nous piéger qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.
Conclusion
Alain Madelin nous dit que le libéralisme est le respect de la plus petite minorité qui soit : l’individu. Je reste d’accord avec cela mais le respect de l’autre implique-t-il que ce dernier me dicte sa loi par la force de l’État ?
Le projet actuel est animé de l’esprit le plus anti libéral qui soit, sa défense est contreproductive pour la diffusion de nos idées et représente un dévoiement de l’État de droit. Voilà les raisons formelles qui me poussent à m’opposer à ce projet.