Deux découvertes fascinantes

Réunion du Club "Vin al Vun" à Milan pour un dîner autour de quelques piémontais associés à la truffe blanche d'Alba dont le prix de folie (€ 6.000 le kilo) peut presque justifier quelques excès financiers en janvier sur notre bonne melanosporum.

Toujours le même principe appliqué à notre Club au Bristol à Paris : présentation de deux blancs bien différents (style un riesling et un chardonnay) et de trois rouges bien typés, le tout étant moteur de belles discussions sur des mariages ± réussis.

Donc, mercredi dernier, deux contrastes majeurs superbement intéressants et montrant à quel point certains "classiques" peuvent se hisser du col face à quelques icônes "modernes".

Le menu et les vins :

Menù proposto da Andrea Aprea e Vini selezionati da Enzo Vizzari & Francois Mauss

Ostrica, Frutto della passione e Rafano

Salame di Culatello e Gnocco fritto

Montanara

Champagne  Cuvée Louise Pommery 1990 (in jéroboam)

****

Scampi, Animelle, Porcini, Acetosella e Tartufo bianco

Chassagne Montrachet  Les Vergers Domaine 1990 - Ramonet

****

Tortelli, Stufato di Manzo, Zucca, Chiodini, Foglie di Senape

Barbera del Monferrato Superiore Bricco Battista 2004 - G.Accornero (in magnum)

Barbera  d'Alba Pozzo dell'Annunziata 2008 - R.Voerzio (in magnum)

 ****

Faraona "petto e coscia",  Cavolfiore, Funghi pioppini, Tartufo bianco

Barolo Cannubi Boschis 2006 - L. Sandrone

Barolo Monprivato Ca' 'd Morissio 2003 - G.Mascarello

****

Torta vaniglia, Datteri, Arance

Vin Santo 2003 - Isole e Olena

Le chef s'est surpassé, d'autant plus que ce même jour, il venait d'avoir confirmation de sa première étoile au Guide Rouge. Si ce guide Michelin est un peu ronronnant en Italie et régulièrement en retard sur les autres, cette consécration a quand même une importance sensible eu égard aux touristes étrangers qui basent leurs réservations sur ce monument historique de Michelin.

Commentons les deux flights de crus piémontais.

PREMIER FLIGHT DE ROUGES. Catégorie "Barbera" : 

Mes amis savent à quel point je suis proche de Roberto Voerzio et son fils Davide, que je connais depuis les années 80. Roberto est un cas unique en Italie, bénéficiant d'une clientèle d'une fidélité absolue, lui permettant de faire véritablement les vins qu'il veut. Et la crise de ces dernières années ne l'a pas forcé à baisser ses prix comme ce fut le cas dans bien d'autres domaines bénéficiant également d'un réel prestige.

Donc, cette belle Barbera d'Alba 2008 avait totalement cette caractéristique des vins du Domaine : une facilité confondante à offrir immédiatement un réel plaisir, un sentiment de plénitude, un vin qui ne pose aucun problème. Le vin est riche, mais sans excès. Aucune "mollissement" en fin de bouche; du fruit en veux-tu, en voilà. Bref : une bombinette de pur plaisir. 

Mais là, ce soir à Milan, j'avoue avoir été totalement bluffé par le cru d'Accornero. Une classe immédiate, une finesse incroyable, une élégance de toute beauté; un vin requérant le silence. Totalement bluffé par ce cru choisi par Enzo Vizzari. Je ne sais trop où se place Accornero dans la constellation des piémontais, classique, néo-classique, post-moderne, ailleurs, mais que voilà un vin, certes dans un autre millésime que le Voerzio, de stature internationale ! Une révélation.

SECOND FLIGHT DE ROUGES. Catégorie "Barolo" :

Là aussi, à peu près la même situation. Un cru célébrissime des Sandrone (quels beaux sourires piémontais!) qui n'a plus grand chose à prouver, sinon une succession de réussites impressionnantes depuis le 1985. Toujours cet équilibre joyeux, ce nebbiolo si bien traité et compris, cette longueur en bouche sans aucune lourdeur et surtout cette fascination d'un vin où le premier verre appelle immédiatement le second.

Mais là encore, un classique s'il en est avec le Monprivato de Giuseppe Mascarello. Mama mia ! Quel grand vin ! Quelle finesse là aussi, avec cette complexité fondue qu'on ne retrouve que dans certains grands crus de la côte de nuits. Une pure merveille.

OK : le Sandrone était un 2006 et le Mascarello un 2003. Mais le but de la soirée n'était surtout pas d'opposer ces crus entre eux : il était avant tout de montrer des styles différents, à partir d'un cépage identique et à partir de ce que peut apporter chaque année un climat singulier par définition.

Voilà un type de comparatifs que je recommande fortement car on dépasse les habituels et finalement lassants classements entre crus pour s'ouvrir l'esprit vers des styles, des approches aux sensibilités diverses.

Un mot sur le Pommery servi en jéro, le Ramonet et le Vin Santo :

La Cuvée Louise, un 1990, avait une jeunesse affriolante, une bulle encore bien vive. Certes, on est assez éloigné des champagnes vineux qui ont ma préférence, comme le sublime Charles Heidsieck qu'on a eu à Villa d'Este. Mais pour les buveurs réguliers de cette AOC mythique, privilégiant finesse et grâce, la Cuvée Louise est tip-top.

Le Ramonet : aucune trace d'oxydation. Un fondu parfait avec une suavité, une douceur sans aucune mièvrerie. Les bouteilles furent "séchées" en un tour de main, et les verres vidés tout aussi secs ! Une preuve s'il en fallait une.

Le Vin Santo : un grand classique catégorie liquoreux et ici une définition parfaite de cette dénomination italienne.

Un cru qui a encore de belles années devant lui !