16 novembre Le tome II Aba Eba, œil bleu - ce qui n'aurait pas voulu dire grand-chose dans notre langue réductrice, technologique, et qui peu à peu se déplumait de ses atours poétiques : un œil bleu doit être bleu, il n'y a pas d'échappatoire - œil bleu n'est pas leur chef, non. Elle n'y songe même pas. Chez les Dogons les chefs c'est les hommes les sages sont les vieux. Elle chante pour moins sentir les cailloux pointus sous la plante des pieds. Un jour de marche en plein soleil pour trouver l'eau. A seize ans Aba Eba avait deux enfants. Déjà. Elle pense à l'imparfait, au sens propre du terme, car elle ressent dans ses viscères de femme que ses enfants sont morts. Dans ce Sahel si sauvage, il en meurt tellement. Plein Nord. Aba Eba rêve d'un homme à la peau blanche comme la farine, elle en a vu un une fois ; qui l'emmènerait dans sa voiture, elle en a vu une, une fois. Peut-être était-ce même en même temps. Le seul cri qui vient à la gorge de Bantoum - qui signifie coin de la case, c'est là qu'elle est née - est le cri d'alarme ; elle est la première à avoir vu l'impossible. Au ras de l'horizon, en plein Sahel après seulement deux heures de marche, une palmeraie. Un véritable oasis. Mais les femmes, conscientes que les mirages existent, ne rompent pas l'allure et c'est en marchant qu'elles atteignent l'ombre bénie. Et l'eau et les dattes. Elles décident sans dire un mot de camper là. Depuis qu'elles sont sorties de la grotte, on dirait que le temps n'a plus de prise. A suivre... demain !
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