Résumé de l'Editeur : chez Milady Graphics
New York, 2038. Le monde a sombré dans un cauchemar sans nom. La métropole dévastée demeure l'emblème du monde, mais d'inquiétantes créatures font planer une lourde menace sur la ville. Les membres de la secte des Treize Lunes montent la garde dans un entrepôt désaffecté. Luz reçoit la visite de son maître, Baal, et se voit remettre Malefic, une arme redoutable, ornée de symboles ésotériques qui remontent à la nuit des temps. L'occasion rêvée pour venger la mort de sa compagne, Soum, dont le cœur a été arraché par des êtres sanguinaires...
L'avis de Block :
L’Apocalypse selon les Royo est humide, glacial et peuplé de créatures sorties d’une parade gothique : le Manhattan de l’année 2038 est devenu le champs de bataille d’un conflit opposant des forces ésotériques supérieures. Après avoir planté ce décor, le récit du roman graphique s’attarde sur le personnage de Luz, une goth mélancolique et dangereuse qui, en raison de ses origines mystérieuses, sera appelée à jouer un rôle qui la dépasse. Elle est accompagnée de Soum, membre d’une secte occulte nippone, envoyée en mission dans ce New York ravagé, et d’un geek vaguement emo, Allen.
Disons-le d’emblée : l’histoire de Malefic Time – dont la narration n’est pas un modèle de fluidité – n’est qu’un prétexte. Si en général, dans le roman graphique, les dessins, aussi beaux soient-il, restent au service du récit, ici c’est l’inverse : les textes de Romulo Royo semblent davantage destinés à contextualiser les superbes illustrations de son père, Luis. Et si ce dernier veut dessiner une japonaise tatouée maniant des katanas, des démons ailés, une reine égyptienne ou une fille dans son bain, c’est au fiston d’inventer une cohérence entre ces tableaux. Cette démarche est d’ailleurs revendiquée dans les bonus de l’ouvrage. L’histoire de Malefic Time a été brodée autour du personnage de Luz, né il y a vingt ans dans l’esprit de Luis Royo. Celui-ci a, au fil du temps, cherché à donner à sa création davantage de consistance en évoquant ses origines et en développant l’univers dans lequel la jeune femme évolue.
Mais l’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans ses illustrations. Essentiellement des huiles et acryliques sur papier, les peintures de Luis Royo sont splendides. L’artiste a eu la bonne idée de lever le pied à la fois sur l’aérographe et sur l’usage des couleurs, pour livrer des tableaux sobres, quasi monochromatiques, dans des tons gris ou sépia, relevés parfois d’une touche de rouge ou de bleu. Avec un sens aigu de la lumière – voir par exemple le vol épique des « anges » dans la cathédrale St. Patrick – Luis Royo retranscrit magnifiquement l’atmosphère de solitude et de désolation qui règne dans l’univers gothique et post-apocalyptique de Malefic Time. L’artiste offre de sublimes vues de son Manhattan déchu : des gratte-ciel rongés par l’humidité, des rues désertes dévorées par la brume, des carcasses de voitures abandonnées, des rames de métro désaffectées… Certaines illustrations s’étalent sur des doubles-pages à couper le souffle qui invitent le lecteur à promener longuement son regard pour s’y immerger pleinement. Quant aux femmes, sujet de prédilection de Luis Royo, elles sont, sous l’ahurissante finesse du trait de l’artiste, plus éthérées et plus gracieuses que jamais.
Un mot également sur le remarquable travail d’édition de Milady Graphics. Le livre est accompagné d’un DVD offrant de nombreux bonus : une sorte de making-off, des scènes coupées, un commentaire de l’œuvre, un musée virtuel ainsi que cinq titres composés et interprétés par le groupe de metal mélo-progressif espagnol, Avalanch, sur le thème de Malefic Time ; tout ceci afin de prolonger et d’approfondir l’expérience.
Pas tout-à-fait roman graphique, mais bien plus qu’un simple livre d’illustrations, Malefic Time, Apocalypse, est donc une œuvre pluridisciplinaire, originale et ambitieuse, qui mérite vraiment le détour. Deux suites sont prévues : elles ne seront pas de trop pour explorer la richesse de l’univers des Royo.