the innocence mission - Lakes of Canada
C’est d’une chanson que tout part. Une seule et unique chanson. Pas récente, méconnue. A première écoute, elle ressemble à bon nombre de consoeurs, douces, épurées, folk. Pourtant, à première écoute, elle vous flingue sur place. La mélancolie incarnée dans une étrange mélodie sans plainte, une voix blanche dont les modulations pourraient faire plier de spleen un érable vancouvérois.
Que faire alors d’un telle merveille ? La garder secrète, et ne l’écouter qu’à la tombée du jour ? Peut-être. Mais on peut aussi :
1° En faire un film. Elle serait alors la ritournelle des scènes sans pesanteur. Celle de votre petit cinéma intime.
Séquence 15 – Extérieur / Nuit - Sur le balcon d’une grande ville
PAUL fume une cigarette toute lumière éteinte.
Ou bien :
Séquence 3 - Extérieur / Jour – Un sentier à la campagne
MARIE en pleurs pédale à perdre haleine.
2° En lire les paroles. Ramassées, pleines de petits espoirs. De changements possibles même minuscules, de lendemains qui chantonnent. Comme si d’un coup le moineau effarouché se prenait pour un aigle. Avec pour seul prédateur le cliché qu’il tiendra à distance par des coups de bec obliques. Un tout petit moment de plénitude.
3° L’entendre, dans un train, dans un car de nuit qui rentre. Se dire que cette chanson ne changera pas grand chose, mais y croire quand même. Se laisser happer par la voix de Karen Perris comme une invitation à s’enfoncer plus profondément dans le noir du bitume. Planter son regard sur le marquage au sol et pester de ne pouvoir fumer. Etre dans l’inconfort le dos dans le cou. Mais n’échanger pour rien au monde la réduction de l’espace faite de vitres sans tain et d’infinies lignes droites.
4° L'offrir.
The Lakes Of Canada by the innocence missionEt la jolie version, pas si éloignée, de Sufjan Stevens :