C’est sûr, en accolant les mots « Impressionisme » et « mode », le musée d’Orsay ne pouvait que programmer une exposition à succès. Toutefois, au-delà de l’effet « marketing » ce rapprochement n’est pas totalement artificiel.
Dans le dernier quart du XIXe émerge le mouvement artistique des impressionnistes qui veulent se démarquer de l’académisme. Dans leurs toiles ces artistes cherchent à saisir des impressions fugitives et le mouvement plutôt que des sujets figés. Dans le même temps de nouveaux modes de consommation apparaissent, c’est la naissance des grands magasins et le développement des revues et des catalogues consacrés à la mode. Les impressionnistes ont bien saisi cette tendance dans leurs toiles. On débute avec une affiche de l’inauguration du magasin du Printemps en mars 1884 et les articles de presse de l’époque. Puis on passe dans une salle ou des modèles de robes voisinent avec les catalogues des grands magasins accompagnés de patrons et parfois d’échantillons de tissus. Des extraits de l’ouvrage « Au bonheur des dames » de Zola nous rappellent l’importance des nouveaux modes de consommation. Un nouvel acteur s’impose, c’est le dessinateur industriel qui crée des modèles complexes et variés qu’il vend aux couturiers et aux grands magasins.
Les femmes doivent se changer plusieurs fois par jour, au déshabillé du matin succède une élégante toilette d’après-midi, le soir il faut porter une robe de réception si l’on reçoit. Quand une femme va au bal ou à l’opéra, elle se doit de porter une robe de soie largement décolletée découvrant les épaules comme le peint Mary Cassat dans sa « Femme au collier de perles ». Dans les salles, les œuvres des impressionnistes côtoient des vêtements d’époque et on peut même voir côte à côte le tableau « Dans la serre ou Madame Bartholomé » et la robe en deux pièces de coton blanc imprimé de pois et rayures violettes portée par la femme du peintre au moment où elle posait, en 1881. Un peu plus loin, grâce à un jeu de miroirs, des chaises sur les côtés, la scénographie des tableaux nous donne l’impression d’assister à un défilé de mode. Le tableau de James Tissot « Octobre » est l’occasion de magnifier la Parisienne, incarnation de la mode à l’époque, dont le jeu de séduction consiste à dévoiler un pied ou une cheville au cours de sa marche.
Dans une vitrine j’ai vu qu’une robe était en partie faite de « tarlatane » mot que j’ignorais. L’incontournable « Wikipédia » m’a appris qu’il s’agit d’un textile importé d'Inde, une étoffe de coton employée pour la confection de robes de soirée, de coiffes et accessoires de lingerie.Une salle est consacrée aux accessoires indispensables chapeaux, gants, éventails et ombrelles sans oublier le corset qui met en valeur la poitrine mais gêne la respiration.
Pour les hommes les choses sont plus simples, le costume est de couleur sombre et on ne se change que le soir pour passer un habit de soirée noir. Pour sortir il faut chapeau, gants canne, parapluie et le col de chemise et les manchettes doivent être impeccables. Si la ligne des costumes masculins nous semble assez familière le système pileux est beaucoup plus développé sur tous les tableaux j’ai constaté que barbes ou moustaches étaient quasi obligatoires à l’époque. Evidemment tout ceci n’est accessible qu’aux classes aisées, la population ouvrière ou paysanne de l’époque, qui a bien du mal à se vêtir correctement, est totalement absente de l’exposition.
On termine par les plaisirs du plein air. La multiplication des parcs et jardins publics dans le Paris transformé par Haussmann est prétexte aux sorties et aux promenades. Le train permet aussi de se rendre en forêt et les impressionnistes y trouvent leur inspiration, en témoigne « le déjeuner sur l’herbe » de Monet. Pour nous mettre dans l’ambiance un faux gazon tapisse la salle et des chants d’oiseaux sont diffusés par haut-parleurs.
Pour conclure j’ai constaté que le public était majoritairement féminin (on se demande bien pourquoi ??). C’est une belle exposition au bémol près que, comme d’habitude, la muséographie oublie un peu le confort des visiteurs. Certains cartels explicatifs sont en gris foncé sur des murs gris (merci pour la visibilité), et comme toujours l’effet de foule n’est pas pris en compte. Je ne suis pas le seul le dire, il suffit de lire les commentaires du livre d’or.
L’impressionnisme et la mode au musée d’Orsay jusqu’au 20 janvier 2013.